Penser autrement, solidairement

Un texte de Hind Sadiqi, responsable d’équipe du groupe QSF « Jappo Liggéey : Terres fertiles, terres d’avenir »

Récemment diplômée, je rêvais d’aller au pays de la teranga depuis bien longtemps. À travers ce stage, je réalise plusieurs aspirations : aller à la rencontre d’une culture qui m’intéresse vraiment, avoir un rôle de leader dans une organisation plutôt horizontale, vivre une expérience unique en communauté et aiguiser maintes compétences professionnelles. Au quotidien, ce stage me permet aussi de nouer avec mes origines africaines et de poser bien des réflexions!

Le partenaire est le regroupement villageois de Pandiénou, formé des femmes de divers quartiers entourant celui que tout le monde appelle ici « le Projet ». Le Projet, c’est le périmètre maraîcher auquel nous nous rendons chaque jour depuis maintenant deux mois. Un endroit où les femmes de cette région du Léhar consacrent du temps et de l’attention tous les jours pour faire pousser divers légumes. Au moment où j’écris ces lignes, oignons, poivrons, oseille, gombos, aubergines et patates douces tentent de fleurir dans cette parcelle de terre. L’objectif du Projet est d’augmenter l’autonomie et la diversité d’aliments produits localement. Les activités que le regroupement effectue sont pensées dans une optique de rentabilité pour générer des revenus pour les femmes et la communauté. Le projet permet par exemple d’employer un homme qui veille au bon fonctionnement de la machine de pâte d’arachide.

Notre groupe de stagiaires est formé de cinq étudiant(e)s en agronomie de l’Université Laval ainsi que d’une diplômée en nutrition de l’Université Laval et une diplômée en Études internationales de l’Université McGill. En tant que groupe, nos objectifs ont d’abord été d’appuyer le groupement de femmes dans toutes ses activités, que ce soit au niveau du champ, que de la transformation de l’arachide, puis de leur apporter certaines formations. La conservation et le séchage sont venus récemment se rajouter aux activités que nous faisons avec le partenaire. À l’image de celui-ci, les stagiaires se sont regroupés en comités pour faciliter les échanges.

À notre arrivée, les femmes s’étaient déjà séparées en quartiers pour veiller à la bonne gestion du périmètre. Quand je pense à notre partenaire, un mot me vient en tête : solidarité. Tout d’abord, le regroupement s’est organisé de sorte que toutes les parts soient divisées équitablement entre les femmes. Chacun des cinq quartiers s’occupent d’une partie du jardin et veille à son bon fonctionnement. Ce sont plus de cent femmes, cent mères de famille qui produisent des légumes pour leur communauté, en plus de la pâte d’arachide. Quand une femme vient au périmètre, elle vient au nom de son quartier et ce n’est pas que pour elle mais pour toutes celles qui bénéficieront de ses bons soins. De notre point de vue occidental, cela peut paraitre presque injuste qu’une femme s’impliquant plus que les autres bénéficie d’une part égale à celles qui ne viennent presque pas. C’est pourtant pour le bien-être de toute leur communauté qu’elles ont choisi de procéder ainsi.

Par ailleurs, notre partenaire est bien organisé. En effet, nous voyons bien des femmes passer au jardin mais nous connaissons nos personnes ressources, qui sont les membres des comités de gestion du champ et celles du comité de transformation. Il y aussi un comité bureau, qui joue le rôle de conseil administratif et qui s’occupe des décisions entourant le Projet.

Il nous reste maintenant un peu plus de 2 semaines au stage et l’heure est bientôt au bilan. Personnellement, je sais que je partirai le cœur serré de quitter cette communauté attachante, mais satisfaite de ce stage qui a répondu en tout à mes attentes. Je dois mes meilleurs moments aux femmes du regroupement de Pandiénou. Elles nous ont accompagnés et accueillis les bras ouverts au Projet, à la communauté, à la maison, à l’église et à la mosquée. Parmi les grands moments du projet, il faut souligner ceux passés au champ avec les femmes à rire et discuter pendant les temps d’arrosage et de désherbage, le concours de la meilleure pâte de piment du village, l’activité de mise en conserve qui s’en est suivi et surtout tous ces échanges en comité et au jour le jour. Ici, le formel et l’informel, le personnel et le professionnel s’entrecoupent sans cesse et nous a influencé à penser autrement, solidairement.


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