Francine a travaillé au Québec, pendant trente ans, auprès des enfants d'âge préscolaire.
Elle a choisi de donner de son temps pour partager son expérience avec les éducatrices honduriennes travaillant dans les quartiers les plus démunis de la capitale.


QUATRE MOIS À TEGUCIGALPA
AVEC MER ET MONDE

Par

Francine Nadal

Oscarcito


INTRODUCTION

Le 30 juin 2000 je prends ma retraite de la Commission Scolaire de Montréal. Après 30 années d'enseignement en maternelle 4 ans et 5 ans de milieux défavorisés, je sens en moi un manque que ni les cours de crochet, philosophie, aqua-forme, langues ne peuvent combler.

Cependant une annonce de Mer et Monde dans Le Devoir retient mon attention. Je rencontre son directeur Michel Corbeil qui me parle des garderies de Koinonia à Tegucigalpa, de la formation des mères éducatrices, de Martin, Sally et les enfants. Mais je n'avais pas prévu qu'il faille débourser le coût de mon voyage et mon séjour, ce qui est pour moi un obstacle important. C'est à regret que je décline la proposition de Michel Corbeil.

Mon désir de partir l'emporte, je recherche du financement et j'en trouve.

Je pars le 3 décembre 2001 pour 4 mois, grâce à la Fédération Nationale des Enseignant(e)s du Québec, des communautés religieuses, la Caisse Populaire d'Outremont, mes médecins, dentiste, orthopédiste, ami(e)s. Merci à tous pour cet élan de générosité qui m'a permis de vivre une riche expérience où je me suis totalement impliquée..

Je décide de ne rien apporter ni crayons, ni livres à colorier, ni autre matériel bien que je sois au courant de la situation précaire des garderies. Il me semble que je dois me débrouiller comme le personnel des garderies, avec presque rien, avec de la récupération, mais je ne veux pas donner un bonbon puis…plus rien.

Étant d'origine espagnole par mes parents, je maîtrise assez bien la langue espagnole, ce qui est un grand atout.


PREMIERS PAS PREMIÈRES IMPRESSIONS

Arrivée le 3 décembre, il m'est très facile de m'adapter dans la belle Casa Clara Lauzon…D'abord ça sent bon, dès 6 H du matin, le pain qui sort du four fait par Martin, puis la succulente nourriture que nous préparent Sally et Rosa. Les fleurs, les plantes, les palmiers et bananiers sont arrosés dès le lever du jour par Martin, ce qui ajoute une note spéciale à la fraîcheur de l'aube. Les rires, pleurs, chicanes et jeux de Paul, Syméon et Christophe, nous rappellent que la vraie VIE est autour de nous.

C'est bon de prendre le déjeuner dans le patio dès 6 H du matin, de laver son linge à la "pila" et de le retrouver séché et blanchi par le soleil quelques heures après. Oups ! la planche à repasser se trouve dans mon dortoir (je ne m'habitue pas à porter du linge froissé)! Je dors seule pendant 6 semaines, puis nous partageons la même chambre très harmonieusement Nicole et moi.

Martin, Marc (arrivé un jour avant moi) et moi allons visiter la ville. Quelle ville ! Entourée de montagnes souvent pelées, plusieurs sont habitées. On a l'impression que plus on monte, plus les habitations sont pauvres…Il y a des enfants partout : à partir de 6-7 ans on est assez vieille pour porter sur la hanche petit frère ou petite sœur de 1 an ou 2… Enfants souvent pieds nus, plus ou moins habillés, plus ou moins propres… Enfants aux grands yeux noirs, aux cheveux noirs, au teint basané, agiles comme de petits singes…

Quelle ville ! Au "Centro", il faut contourner les marchands ambulants qui prennent toute la place sur les trottoirs en essayant de vendre billets de loterie, breloques et marcher les yeux grand ouverts pour éviter trous, barres de fer, crochets qui semblent être là pour rien. Les très très vieux autobus scolaires jaunes du Québec sont ici le moyen de transport en commun… Peu de rues ont des noms, peu de gens connaissent les noms des quelques rues qui en portent… Sur les trottoirs sont couchés femmes, hommes, enfants, misérables, souvent handicapés… Ils quêtent.

Il y a beaucoup de bruit : des vieux autobus, des gros et vieux camions, des grosses et vieilles autos… Les hommes qui annoncent le terminus du bus et ramassent le 1 Lempira 50 que vaut le trajet, crient et frappent sur la tôle des pauvres bus: "Loarque…Loarque…Corren, corren, corren"…

Sur les trottoirs déambulent des groupes de jeunes qui respirent le "Resistol". Ils quêtent aussi… Des "Pokémon", "Winnie", "Barbie" et autres symboles des États-Unis remplissent les étalages, à côté des hamacs, sous-vêtements, souliers et "jeans"… Dès qu'on passe devant une banque et autre lieu public où il y a plus ou moins d'argent, il y a un agent de sécurité, gardien, qui a son fusil sur l'épaule …Pas un seul passage pour piétons pour traverser les rues; quant aux feux de circulation, je n'en ai pas vu beaucoup. Les militaires et les vautours sont très présents, et pourtant il y a des bougainvilliers aux fleurs mauves, roses ou orangées

Quelle ville de contrastes ! Dans le quartier de l'Ambassade du Canada, les gazons sont verts, en santé, l'arrosage y est abondant. Plus loin, sur le flanc des montagnes, le camion d'eau passe une fois par quinzaine. Il distribue la quantité d'eau gratuite qui revient à chaque famille : une maman nous disait qu'en faisant très attention elle en avait assez pour une semaine. La semaine suivante, elle achetait l'eau embouteillée utilisée parcimonieusement pour cuisiner et boire. "Et vous vous lavez comment ? - On ne se lave pas !"

Ville de contrastes: plus les maisons sont riches, plus il y a de fils barbelés ou des clous, des tessons de bouteilles sur les murs assez élevés qui les protègent…Dans les "colonias" marginales, les portes ne ferment pas, on cuisine dehors, on mange assis sur l'unique lit où dorment sûrement plusieurs personnes.

Mais dans cette ville, j'ai aussi le grand bonheur d'assister à un concert gratuit: Carmina Burana de Carl Orff, dans la belle cathédrale, avec l'Orchestre Symphonique National du Honduras et le "Coro de los cien" dont fait partie Martin. La musique est belle, les gens sont beaux. A la sortie, de nombreux mendiants devant la porte tendent qui leur main, qui leur moignon, qui un œil crevé…

Quel bonheur d'aller au Marché les vendredis en fin d'après-midi ! Les carottes géantes, les brocolis, pois, oignons, courges, choux-fleurs, betteraves, patates douces, manioc, côtoient les montagnes d'oranges, de melons d'eau, de cantaloups, de mangues, d'avocats, de papayes, d'ananas… Que dire des délicieuses mini-bananes, vraies bananes et bananes plantain ? Les enfants porteurs, chargés de brouettes très lourdes même vides, nous suivent et surveillent nos achats au fur et à mesure que nous empilons les sacs. Déjà responsables à 7 ou 8 ans.

Martin me conduit dans des garderies (HCI) à Los Pinos, Flor del Campo. Premier contact avec les enfants (ils sont beaux !), avec le personnel : Maira, Xiomara, D.Eva, Olga, et Ana, avec qui je travaillerai bientôt.


PÉRIODE DE NOËL


Les garderies fermeront du 21 décembre au 21 janvier 2002; donc j'ai le bonheur d'assister aux Fêtes de Noël à l'HCI Santa Teresa et à Flor del Campo : spectacles d'enfants, crèche vivante (l'enfant Jésus est un vrai bébé qui ne pleure pas !) danses folkloriques, pinata; on mange les délicieux " tamales " et on boit de la " orchata " et du " tamarindo ". Que c'est bon !

Le 20 décembre a lieu l'inauguration de la 2ème garderie à Los Pinos. Nous vivons pratiquement la même fête avec, en plus, la présence du Cardinal Oscar Andres Rodriguez et de la fille Lizza du Président de l'époque : Carlos Fuentes, ainsi que de l'Ambassadeur de Grande-Bretagne et du père Pierre Drouin, fondateur de Koinonia. C'est là que je rencontre, pour la première fois, la légendaire ponctualité hondurienne : on devait venir nous chercher à 9 H et ce n'est qu'à 10H30 que l'auto de D.Agustin arrive…

Il y a aussi les magnifiques sorties à l'extérieur de Tégucigalpa : Ojojona et ses céramiques belles par leur simplicité, Pueblo Nuevo et l'attachante Bienvenida, Yuscaran et Tatumbla et la maman d' Olga, Pespire et sa crème glacée, le Golfo de Fonseca et mon cri du cœur : "Gracias a la vida", Valle de Angeles avec son " guacamayo " en liberté et ses grandes coopératives d'artisanat… Et partout des petites maisons blanches au toit de tuiles rouges !

Nous faisons d'autres visites importantes : une journée à La Cuesta, endroit prévu pour recevoir les filles de la rue. Mirabel, femme du gardien, cuisine d'excellentes " tortillas " accompagnant le riz et les " frijoles ". J'admire son art d'aplatir la boulette de pâte de farine de maïs et savoir en faire une galette ronde parfaite en l'écrasant entre les doigts et en la faisant tourner sur elle-même !

Avec Martin, Ricardo, Syméon et Carole, nous assistons très émus à la messe de l'Epiphanie (le 6 janvier) à la Casa Zuhema (maison des sidéens). Quelle sérénité ! Quelle belle messe ! Serai-je capable de me sentir comme eux dans mes derniers mille à courir ?

J'ai été heureuse de passer un après-midi à Belen avec les filles de la rue et de pouvoir mettre un visage sur tous les noms dont nous parlent Michèle (suivie de Nicole et Jeanine) et Ricardo avec amour et qu'ils nous font aimer : Carmen, Nicole, Kevin, Bessy Yuvimi et tous les autres. Je vis là une expérience spéciale : dans la pièce où nous nous trouvons avec les enfants, entre Mayra, une jeune adolescente avec un regard noir, une attitude agressive, prête à se battre ou à griffer. Je lui souris… Son visage change du tout au tout comme ces mimes qui en passant leur main devant leur figure transforment leur tristesse en sourire…Elle me sourit aussi…Je la trouve belle.

Puis, avec l'arrivée d'une amie, Madalena (qui vient passer ses vacances de Noël avec moi), nous faisons du tourisme dans ce magnifique pays : la mer des Caraibes et les ruines Mayas de Copan nous ravissent et, comme on nous l'a conseillé, nous sommes prudentes mais faisons confiance : nous ne rencontrons que des gens charmants.


LA PARTIE TRAVAIL

1. HCI VILLA NUEVA :

Dès le 2 janvier 2002 le rythme change: les 2, 3 et 4 janvier je travaille avec Carole et Raynald au HCI Tita Arranz à Villa Nueva, qui ouvre ses portes pour les enfants dont les mères travaillent, mais où la mère éducatrice Nuvia est en vacances. Dans cette garderie, il y a des enfants boursiers du FHIS âgés de 7 à 12 ans environ, qui - en plus de l'école - reçoivent une aide pédagogique de Leyla et des cours d'art plastique de Carlos. Ils ne sont pas faciles : des durs, qui cachent pourtant un grand cœur sensible. Ils nous inquiètent plus d'une fois…

Tous les soirs nous planifions Raynald, Carole et moi, notre travail et nous préparons des ateliers pour les enfants: masques, dessin libre, formes géométriques, découpage, collage; nous profitons également des quelques Lego et quelques casse-tête que nous trouvons. Les enfants ont un grand besoin et désir de colorier (malheureusement au détriment du dessin).

Michèle se joint à nous une journée et son aide est des plus précieuse. Nous apprenons aux enfants 2 rondes bien françaises - Sur le Pont d'Avignon et Savez-vous planter des choux - qui, traduites en Espagnol, sont devenues "Sobre el puente Maillol " et " Sabe Ud. Plantar la flor a la moda del Canada "…

Raynald a la merveilleuse idée de demander aux enfants de nous apprendre des chansons qu'ils connaissent. Quel répertoire ! Quel rythme ! Quel enthousiasme ! "El chipi chipi" la "Feria de San Andres" et "Los peces en el mar" entre autres, nous révèlent toute l'âme latino-américaine : chanter, danser, peut-être pour oublier toutes les difficultés trop présentes… Merci, adorables enfants, de ce merveilleux spectacle !

Il se présente également une situation d'urgence : la bonbonne de gaz propane est vide…les enfants n'ont pas de déjeuner. Quand ce n'est pas le gaz qui fait défaut, c'est l'eau…plus une goutte, ou l'argent nécessaire à l'achat des aliments du repas de midi… Heureusement, cette fois-ci, Martin et Ricardo sont avec nous et règlent ce problème. Comment aurions-nous fait si nous avions été seuls ?


2. JOURNÉES DE PERFECTIONNEMENT ET CRÉATION DE MON PROJET

Le personnel des HCI rentre de vacances le 9 janvier 2002 pour 4 jours de perfectionnement, suivis de 4 jours d'inscription des enfants, pour qui la rentrée en garderie est le lundi 21 janvier 2002. D. Rosario me demande d'animer 2 ateliers les 10 et 11 janvier: un sur les relations interpersonnelles, l'autre sur l'organisation et l'administration des HCI. Je n'ose pas refuser car c'est sa première demande…Je suis stressée, mais avec l'aide de Carole, Raynald, Michèle, Caroline, Martin, Ricardo et Angela, (je prends des notes, discute et écoute) je ne m'en sors pas trop mal.

Gros point positif : tout le personnel des HCI étant présent à ces perfectionnements, j'en profite pour leur faire remplir un questionnaire (que Ricardo m'aide à bâtir) que j'intitule "Necesito ayuda" - j'ai besoin d'aide. La compilation des réponses me permet d'écrire mon projet :

Les 6 garderies veulent ma présence et aimeraient avoir plus de matériel (papier, crayons, ciseaux, jouets, etc…)

A partir de mon compte à rebours partant du 30 mars, date de mon retour au Québec, j'établis le calendrier suivant :

  • je passe 4 jours dans une garderie, suivis de
  • 4 jours de " actividades ayudantes " - activités aidantes - c'est à dire je vais essayer de trouver papier recyclé, jouets, crayons, livres d'enfants, jeux d'extérieur pour les cours " patios ", ainsi que stagiaires universitaires.
  • Puis je vais dans une autre garderie, et je recommence ce cycle.

    C'est en écoutant Christophe et Caroline parler des difficultés qu'ils rencontrent et en suivant les conseils de Carole et Raynald que je bâtis mon projet, avec l'aide de Ricardo et Martin. Angela de Koinonia l'accepte et en remet copie à D. Rosario.


3. DÉROULEMENT DE MON TRAVAIL DURANT LES 4 JOURS DANS LA GARDERIE

  • 1er jour : contact entre adultes et moi, enfants et moi, ainsi qu'observation.

    Créer des liens avec le personnel. Ces femmes sont extraordinaires et leur grande facilité à entrer en relation avec leur côté enfant me permet également de contacter le mien : les fous rire vécus ensemble nous aident à nous rapprocher.

    Créer des liens avec les enfants. Pour certains, c'est très facile : ils sautent dans les bras spontanément, confiants et souriants. Pour d'autres, souvent les bébés, ils voient en moi l'étrangère : cheveux différents, autre accent espagnol, autres paroles…et s'enfuient.

    Observer les lieux physiques, le matériel, pour être en mesure de présenter des activités adéquates dans les 3 autres journées.


    Durant la sieste des enfants, (environ de 2 H à 3H15) nous nous réunissons et échangeons sur notre vécu. J'ai toujours le souci du respect de l'autre durant ces rencontres.

    Il est important, pour les mères éducatrices de connaître une autre façon de travailler. Je présente donc le travail en atelier : il permet surtout de demander des travaux différents aux enfants, selon leur âge, donc leur développement.

    Pour que ce soit plus concret pour les enfants et pour tout le monde, je prépare des colliers de laine. Les plus jeunes enfants (les petits) portent un collier rouge; les moyens, un collier bleu; les grands, un collier jaune. Les adultes portons également le collier de la même couleur que le sous-groupe dont nous sommes responsables.

  • 2ème et 3ème jour : exemple de ce que j'ai vécu à l'HCI Mama Margarita
 
Mercredi
Jeudi
Les petits au collier rouge
Responsable : D. Francisca
pâte à modelerdéchirer du papier en tout petits morceaux
Les moyens au collier bleu
Responsable : Mirna
dessincasse-tête
Les grands au collier jaune
Responsable : moi
jeu d'observation et de mémoirechaînes en papier construction

Mirna et D. Francisca voient les avantages suivants : nous avons peu d'enfants à nous occuper (environ 12 chacune). Nous les aidons davantage. Nous pouvons échanger avec eux. La discipline est plus facile.

Pour moi les avantages sont : grand intérêt des enfants, car les activités sont à leur niveau; attention individuelle améliorée; les enfants s'expriment mieux dans un petit groupe.

J'en profite pour leur communiquer l'importance du matériel de base adéquat . Exemple : chaises et tables proportionnées, afin que les genoux des enfants n'arrivent pas à la même hauteur que la table; les enfants doivent apprendre à être bien assis : chaises près de la table, corps droit, si possible un espace les séparant de leur voisin; les plus petits ont une capacité d'attention très courte, donc l'activité sera très courte aussi. Il faut prévoir un temps calme qui suivra.

Nous travaillons également en équipes et en ateliers, à l'extérieur :

 
Mercredi
Jeudi
Les petits au collier rouge
Responsable : D. Francisca
glissoire
(toboggan)
tricycles
Les moyens au collier bleu
Responsable : Mirna
cerceauxballons
Les grands au collier jaune
Responsable : moi
ballonscerceaux

Les jeux d'extérieur se terminent par aller à la toilette et se laver les mains avant le repas. Ce déplacement est facilité par le port des colliers, où l'on appelle d'abord les enfants au collier rouge (les autres continuent à jouer) puis on appelle les bleus, etc. Ceci évite les bousculades des grands qui veulent passer devant les plus jeunes et permet aux plus petits de rentrer les premiers et s'asseoir, tête reposant sur la table, en attendant le repas.

Il m'arrive assez souvent d'asseoir les enfants devant moi et de leur raconter un livre emprunté à la bibliothèque pour enfants de l'Alliance Française. J'ai l'avantage de pouvoir traduire facilement en Espagnol les textes écrits en Français. Les enfants me disent " encore " quand j'arrive à la dernière page du " Repas d'Henri le fantôme " ou du " Chien bleu ". J'en profite pour dire à la mère éducatrice l'importance d'apprendre aux enfants à écouter, d'apprendre du nouveau vocabulaire, de suivre les séquences d'une histoire, de leur mettre des images dans la tête et surtout de développer le goût d'apprendre à lire.

Sans l'aide de livre, je leur raconte aussi Boucle d'or, Le petit chaperon rouge, La chèvre et les 7 biquets, Les 3 petits cochons ou bien je leur fais mimer l'histoire de " La ratita que queria casarse ". Ils aiment beaucoup s'exprimer.

Après la sieste, je propose à Mirna de donner aux enfants les premiers réveillés et coiffés (parfois changés de vêtements) - coquetterie latino-américaine oblige - un livre où ils regardent en silence les images, plutôt que d'attendre de longues minutes sans rien faire.

Je fais ma propre évaluation quand je rentre à Mer et Monde, soit seule, soit avec Martin ou Ricardo et j'en conclus souvent quelques modifications à apporter.


4 - ACTIVITES AIDANTES

a) Recherche de papier recyclé :

Bien sûr, j'en ai trouvé… A Docucentro Xerox, au PAAR (Programa de Administracion de Areas Rurales), au Banco Capital, au journal La Tribuna, a l'Instituto Hondureno de Cultura Interamericana, au SANAA (Sistema Autonomo Nacional de Acuaductos y Alcantarillados). J'en fais la cueillette après m'être assurée au téléphone qu'il y en a, et je dois, quelques fois, prendre un taxi pour ramener ma récolte à Mer et Monde, car elle ne rentre pas dans mon sac à dos. Il ne me reste plus qu'à en faire la répartition, " sans oublier Belen " me rappellent toujours Nicole et Ricardo.


b) Recherche de programmes, d'activités :

Je me suis rendue à l'Unicef, au Ministère de l'Éducation, à l'IHNFA (Instituto Hondureno de la Ninez y de la Familia), au Secrétariat de l'Éducation, et créé une petite banque de documents pédagogiques que je laisse à Mer et Monde, espérant qu'elle pourra servir à d'autres volontaires…

c) Recherche de stagiaires et de documents particuliers :

Je suis allée à la Universidad Pedagogica Nacional Francisco Morazan, au département des Sciences de l'éducation, et ils m'ont assurée qu'ils proposeront, aux étudiants, les garderies de Koinonia comme endroits de stage.

De plus, j'ai obtenu un document d'observation du développement normal de l'enfant (qui m'avait été demandé dans le questionnaire que je passais début janvier à tout le personnel des garderies), ainsi que l'offre de personnes et de locaux disponibles pour des ateliers de perfectionnement que Koinonia aimerait donner à son personnel. J'en ai fait part à D. Rosario, ainsi qu'à Angela, Ricardo et Martin.

J'ai également obtenu une lettre autorisant les volontaires et le personnel de Mer et Monde à aller consulter sur place les livres et documents de leur belle bibliothèque…

Avec Caroline, nous rencontrons les professeurs du Département d'éducation relative à l'environnement, dont quelques étudiants sont allés discuter avec les élèves boursiers de l'HCI El Sembrador. Si on éveille tôt les enfants à cette réalité, les vautours seront obligés de quitter Tegucigalpa pour s'en aller voir les tas d'ordures ailleurs…

Tel que demandé par D. Rosario, je me suis rendue à la " Escuela Normal Mixta Pedro Nufio ", où j'ai remis au responsable une lettre disant que Koinonia est intéressée à recevoir dans ses garderies, des étudiant(e)s devant faire leur travail communautaire.

d) Recherche de jeux d'extérieur solides pour les " patios " (cours) des garderies :

Malgré mes nombreux appels téléphoniques, je n'ai pas pu rencontrer le Colonel Lima de l'IPM Batallon, qui a fait aménager un parc pour enfants (près des bureaux de Koinonia) où les jeux me paraissaient très solides et intéressants. Je voulais au moins prendre des informations. Partie remise.

e) Recherche de jouets, livres, crayons, etc…

J'écris une lettre que je veux distribuer aux élèves des écoles riches, après en avoir parlé avec la direction de ladite école. Malheureusement, lorsque je m'y rends et parfois après une longue attente, je suis obligée de laisser ma lettre à une secrétaire, qui la remettra à qui de droit. Voici le nom des écoles où j'ai apporté la lettre : Sagrado Corazon, Children World School et Escuela Modelo. Mon souhait : que d'autres volontaires continuent cette démarche que je crois être sur la bonne piste.

Tout à fait par hasard, marchant dans les rues, je rentre dans un édifice non identifié et je demande au gardien où je me trouve - " Al Patronato Nacional de la Infancia " me répond-il. Je lui montre ma lettre adressée aux écoles riches, lui demande si elle pourrait être donnée à quelqu'un dans l'édifice et il m'affirme qu'il va s'en charger.

C'est ainsi que le 15 mars, heureux, nous recevons D.Carolina Villeda de Maduro (fille du nouveau président), D.Aida Valladares (à qui le gardien du PANI avait remis ma lettre), qui apportent en cadeau aux enfants des garderies de Koinonia : ballons, casse-tête, pâte à modeler, colle, crayons, jeux éducatifs, papier.

De même, un matin où je rencontre Padre Eduardo, je lui explique que je suis à la recherche de jouets pour les garderies. Il m'offre des boîtes pleines de jouets et de linge, qu'il a entreposées, au Hogar Don Bosco. Je pense à Ricardo et à Nicole et je dis : " Pour Belen aussi ? " Réponse affirmative…

J'ai eu la grande joie de voir des enfants, comme dans les maternelles ou les garderies au Québec, jouer avec des jouets. Pourquoi c'est important, selon moi, d'avoir des jouets dans la garderie ? Pour que les enfants ne vivent pas seulement des activités dirigées par les adultes, mais aussi, dans des moments de jeux libres, qu'ils découvrent ce qu'ils aiment et ce qu'ils n'aiment pas, qu'ils apprennent à partager, qu'ils parlent avec des amis, qu'ils réussissent à avoir des succès si on est près d'eux, qu'ils deviennent autonomes et qu'ils reproduisent le monde adulte et l'apprivoisent.

Ainsi, à Villa Nueva, comment ne pas savourer ce moment où une petite fille qui a une poupée dans les bras lève son T-shirt et met la poupée au sein…Ou bien de constater qu'ils ne se jalousent pas, même si un petit copain a une auto plus grosse.

Nous avons pris la décision de remiser chez Martin et Sally les jouets à connotation guerrière, jusque en décembre prochain. En effet, au cours du mois de décembre, et depuis quelques années, une activité est prévue au Parque Central : les enfants sont invités à enterrer les jouets violents. Paul, Syméon et Christophe feront ça très bien.


f) Recherche de " niñera " pour l'HCI de Flor del Campo :

D. Rosario m'explique l'impossibilité financière dans laquelle se trouve Koinonia de payer le salaire d'une " ninera ". Pourtant, laisser la mère éducatrice et la cuisinière seules avec 35 enfants - dont 12 bébés aux couches - est absolument inhumain. Je demande l'autorisation à D. Rosario d'essayer de trouver une solution. C'est après quelques visites où j'expose la situation et quelques coups de téléphone au IHNFA (Instituto Hondureno de la Ninez y de la Familia) que j'obtiens l'assurance qu'au mois d'avril une " ninera " de l'IHNFA ira travailler avec Olga et Ana au HCI de Flor del Campo. Deux mois de salaire sont assurés et peut-être plus…(J'écris à Angela et à Ricardo pour connaître la suite).


CONCLUSION

J'arrive à la fin de mon séjour, heureuse du devoir accompli. Avec du recul, je sais que c'est en étant à l'écoute de mes intérêts que je me suis assurée le plaisir et les succès que j'ai connus pendant mon séjour. J'ai compris, également, l'importance d'être ouverte à tous les ajustements pouvant se présenter.

Je constate que ma priorité a été de créer des liens, surtout un lien de confiance, avec les personnes travaillant dans les garderies. Je souhaite y retourner une 2ème fois car je n'ai fait qu'effleurer la formation des mère éducatrices, ce qui était mon mandat. Pour commencer, je les ai valorisées, leur disant combien elles sont courageuses, travaillantes et généreuses. Je les remercie de leur bel accueil et leur dis : " Volveré ".

Je n'oublierai pas et je tiens à remercier, tous les enfants. Ils m'ont tous donné en souvenir un dessin avant mon départ. Je garde surtout présente en ma mémoire la sortie au zoo du Picacho, où, les yeux émerveillés, avec leur grand sourire et leurs cris d'excitation, ils courent d'une cage à l'autre ne voulant rien manquer. Magnifique journée offerte par un ami du Québec.

Je n'oublierai pas, et je tiens à remercier, toutes les personnes que j'ai aimées : Martin, Sally, Ricardo et les enfants, les volontaires avec qui je partage des expériences semblables tout en étant très différentes, dans des conditions similaires, le personnel de Koinonia et en particulier Angela et Adela.
Je n'oublierai pas et je tiens à remercier Olga, mon ancienne stagiaire hondurienne (qui a travaillé 6 mois dans ma classe maternelle à l'école Notre Dame des Neiges, ici, à Montréal, en 1985) et qui travaille avec passion auprès des enfants de la rue et des écoles des quartiers pauvres de Tegucigalpa.

Bien sûr, je serai heureuse d'y retourner et retrouver le soleil, les sourires, la richesse du cœur, la créativité, la présence, l'engagement et surtout sentir que c'est possible et accepté le don de soi : d'ailleurs on reçoit 100 fois plus que l'on donne.

Ici, je vais continuer à travailler pour les HCI : recherche de jouets, livres, crayons, et poursuivre le recueil d'activités, de chansons et de jeux, que j'apporterai avec moi si j'y retourne. Surprise ! Un comité de travail s'est formé à Montréal et nous continuerons à essayer d'améliorer la situation des garderies de Tegucigalpa.

Enfin, j'ai compris à mon retour le manque toujours présent depuis le début de la retraite et qui a disparu au Honduras. Il se résume en 3 mots : j'ai besoin de me sentir UTILE, ENTOURÉE et APPRÉCIÉE.

Dernière image de Tegus : samedi 30 mars, 8 H, je suis dans l'avion de TACA qui se dirige vers la piste d'envol et je vois au loin, derrière le grillage qui délimite l'aéroport, 2 silhouettes et 4 bras qui font des signes : Martin et Ricardo et je leur dis :
"Un million de gracias para todo y hasta pronto, volveré ".


PRÉSENTATION DES DIFFÉRENTES PERSONNES
ET DIFFÉRENTS ORGANISMES COTOYÉS

À LA MAISON CLARA LAUZON DE MER ET MONDE

Martin, Sally et leurs trois enfants : Paul, Syméon et Christophe.
Ricardo, bras droit de Martin
Rosa, aide de Sally
Don Leonardo le gardien et ses petits-fils
Les volontaires : Caroline, Marc, Christophe, Michèle, Raynald et Carole, Gilles et Jacqueline, Nicole, Fernand et Jeanine, Jacqueline, Jessie, François, Marie-Noelle, Amélie, Alexandre, Nicole.

À KOINONÍA (L'ONG que Mer et Monde aide)

Doctor. Rosario Ramirez Zelaya, directrice.
Doctor. Agustin Velazques
Angela Yanes (que j'ai baptisée "conseillère pédagogique ")
Adela Diaz Lopez
Doctora Margarita Valladares.

DANS LES GARDERIES (Hogares de Cuidado Infantil, soit HCI) personnel et nombre d'enfants présents pendant mon séjour :

HCI El Sembrador, colonia (quartier) La Travesia :
Madre-educadora (mère éducatrice): D. Maura Gutierrez.
Ninera (celle qui s'occupe des bébés et nettoie) : Paola Martina Rodas.
Cocinera (cuisinière) : Reina.
Aseadora (femme de ménage): Vilma.
50 enfants, de 1 à 12 ans (incluant les élèves boursiers du FHIS*).

HCI Maria Angeles Moreno, colonia Flor del Campo :
Madre-educadora : Olga Marina Rodriguez.
Il n'y a pas de ninera.
Cocinera : Ana Francisca Ordonez .
35 enfants de 1 à 6 ans.

HCI Maria Angeles Moreno, colonia Los Pinos :
Madre-educadora : Mayra Elena Bejarano.
Ninera : Xiomara Ordonez Lagos.
Cocinera : Eva Marina Mayorga.
30 enfants de 1 à 12 ans (incluant les élèves boursiers du FHIS).

HCI Mama Margarita (Hogar Don Bosco), colonia Tiloarque :
Madre-educadora : Mirna Avila Lagos.
Ninera : Francisca Hernandez.
La cuisinière (je ne l'ai pas connue) est celle du Hogar Don Bosco.
40 enfants de 1 à 6 ans.

HCI Santa Teresa, colonia Estados Unidos :
Madre-educadora : Lorena Alvarez.
Ninera : Dilcia Suyapa Rodriguez.
Cocinera : Maria Turcios.
18 enfants de 1 à 6 ans.

HCI Tita Arranz, colonia Villa Nueva :
Madre-educadora : Rosa Apina Mondragon (Nuvia).
Ninera : Dilcia Maricela Torres.
Cocinera : Maria Elena Chavez -
25 enfants (incluant les élèves boursiers du FHIS)

Personnel supplémentaire : Leyla Eleano Martinez Moreno, enseignante et Carlos Yesuho Zelaya, professeur d'art plastique, tous deux travaillant avec les élèves boursiers du FHIS. Hilda Catalina Raudales, cuisinière, responsable de la nouvelle boulangerie de Los Pinos.

*D. abréviation de Doña (Madame) et de Don (Monsieur).
*FHIS : Fondo Hondureño de Inversión Social. Des enfants, de certaines familles à risque, reçoivent une bourse qui leur permet d'avoir de l'aide pédagogique dans les garderies, après leur demi-journée d'école obligatoire.