Au centre de soi ... et des autres

¡ Salud, Honduras !

Élise Faucher

 

Comment tout a commencé ?
Notre préparation
Objectifs du stage
Destination : Honduras
Tegucigalpa et la Casa Clara-Lauzon

Les divers milieux de stages

Résultats en lien avec les objectifs
Contacts les plus enrichissants
Réflexions personnelles
Suggestions et recommandations pour les futurs stages
Annexe 1 : Situation sanitaire de la population hondurienne (à venir)
Annexe 2 : Liste des commanditaires

 

Introduction
Déjà plus de dix-huit mois se sont écoulés depuis le jour où j'ai décidé de faire un
stage dans un pays en voie de développement et j'ai peine à croire que j'en suis rendue à l'étape ultime, soit la rédaction de mon rapport. J'essaierai dans les lignes qui suivent de traduire du mieux que je peux mes impressions et mes prises de conscience, d'expliquer la situation dans laquelle vit le peuple que j'ai côtoyé, sans oublier d'élaborer sur les contacts que j'ai établis avec les gens et sur la façon dont j'ai collaboré avec eux dans un contexte d'aide humanitaire. Mais tout d'abord, je dois faire un retour en arrière et vous parler brièvement de la préparation qu'a nécessité ce stage et des démarches que les gens de mon groupe et moi-même avons eu à faire avant le grand départ.


Comment tout a commencé ?
Comme je l'ai déjà mentionné, c'est aux environs du mois de mars de l'an deux mille que j'ai commencé à penser à la possibilité de faire un stage à l'étranger dans un contexte d'aide humanitaire, en mettant l'accent sur la santé, étant donné que je suis étudiante en médecine. Je voulais aussi que ce stage me permette d'entrer en contact avec une realité sociale, culturelle et sanitaire différente de la mienne afin d'avoir une plus grande ouverture d'esprit et de pouvoir faire des comparaisons entre la réalité des pays en voie de développement et celle des pays occidentaux en bonne connaissance de cause. Je me suis rendue compte très vite que plusieurs de mes amis, étudiants en médecine également, avaient en tête d'acquérir une expérience semblable, alors nous avons décidé de nous unir, formant ainsi un groupe de dix personnes, afin de bâtir notre propre projet en fonction de nos intérêts et de nos attentes.


Un peu par le fruit du hasard, nous sommes entrés en contact avec Michel Corbeil, un prêtre qui est responsable de la Société Mer et Monde, une organisation non gouvernementale, sans but lucratif, dont l'objectif est de venir en aide aux femmes et aux enfants de pays en voie de développement, par la collaboration de bénévoles canadiens avec des organismes reconnus au Honduras et au Sénégal. Monsieur Corbeil nous a donc proposé de faire notre stage à Tegucigalpa, la capitale du Honduras, où nous allions travailler en collaboration avec Koinonia, une organisation non gouvernementale hondurienne dont la mission est sociale, spécialement auprès des familles et des enfants. Des arrangements ont également été faits afin de nous permettre de travailler dans des centres de santé en collaboration avec des infirmières et des médecins honduriens, tout particulièrement la Doctora Maria Margarita, une partenaire de Koinonia. Le processus était donc enclenché, les grandes lignes de notre projet étaient tirées.

Notre préparation
Nul besoin de le mentionner, un tel projet nécessite une sérieuse préparation de tous les membres du groupe, tant physique que morale, sans oublier l'aspect monétaire. Pour débuter avec ce dernier point, nous devions amasser environ 30 000 $ pour défrayer les coûts des billets d'avion, des frais de séjour au Honduras incluant le logement, la nourriture et le transport, des frais de vaccination et d'assurances ainsi que des dépenses reliées à notre formation. Le financement s'est échelonné sur une période d'environ un an et s'est fait à partir d'activités très variées, soit deux lave-autos, vente de suçons Laura Secord et de chocolat pour la Saint-Valentin, organisation d'une soirée « Cosmic Bowling », participation à l'émission " Les détecteurs de mensonges ", collecte d'argent lors de messes dans nos paroisses et, le plus important, la recherche de commandites. À ce sujet, je tiens à remercier l'extrême générosité de tous nos commanditaires dont je vous invite à consulter la liste à l'annexe 2. J'aimerais aussi souligner tout particulièrement l'aide plus qu'appréciée de l'Office Québec-Amériques pour la jeunesse qui a défrayé une partie majeure de nos frais de transport et d'assurances ainsi que le Bureau International de l'Université Laval pour nous avoir fait bénéficier de leurs généreuses bourses. Sans eux et sans tous nos autres commanditaires, la réalisation de ce projet n'aurait jamais pu être possible et ce malgré toute la préparation dont nous avons fait preuve.


Pour ce qui est de la formation morale et pratique en tant que tel, nous avons eu
plusieurs formateurs ayant des expertises différentes, ce qui nous a permis d'être bien préparés aux multiples aspects de notre stage à l'étranger. Il y a toutefois une personne-clé qui avait la responsabilité d'organiser pour nous quatre fins de semaines de formation intensives qui se sont échelonnées de septembre 2000 à avril 2001, totalisant environ 60 heures de formation. Cette personne, Renaude Grégoire, travaille pour un organisme à but non lucratif. Salut le monde!, qui s'associe à la Société Mer et Monde pour assurer la bonne préparation des stagiaires. Plusieurs thèmes ont été abordés, soit la santé des femmes et des enfants à travers le monde et particulièrement au Honduras, la pauvreté, la situation économique et politique du pays et l'implication gouvernementale au niveau de la santé publique, l'Ouragan Mitch qui a ravagé le pays en 1998, l'aide apportée par le Canada aux pays du Tiers-monde, le FMI (Fond monétaire international) ainsi que les différents organismes de coopération internationale. Quelques heures ont été consacrées à la lecture du rapport de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) sur la Santé dans le Monde 2000 suivie d'une discussion sur les solutions envisagées pour enrayer ou du moins atténuer l'inégalité quant à l'accès aux soins de santé ainsi qu'à la qualité et à la quantité de ces soins à travers le monde. Nous avons aussi visionné des reportages portant sur la situation des enfants de la rue et des femmes au Honduras, du travail dans les champs, des produits d'exportation ainsi que de la séquestration des bonnes terres par certaines compagnies américaines. Nous avons également pris connaissance de l'histoire du pays et de son développement, sans oublier de parler du peuple Maya qui a habité cette région dans un premier temps et qui fait partie intégrante de la culture des Honduriens. Des mises en situation nous ont aussi aidés à nous conscientiser et à nous faire réfléchir à la façon dont nous réagirions dans des contextes où nous étions susceptibles de nous retrouver lors de nos séjours dans nos familles d'accueil par exemple ou dans nos lieux de travail. Étant donné que ces formations se donnaient dans des maisons où les dix membres du groupe demeuraient toute la fin de semaine, même pour le coucher, nous avons eu la possibilité de nous familiariser à la vie en groupe, ce qui s'avère être une tâche plus difficile qu'il n'en parait. Je reparlerai de cet aspect un peu plus loin. Madame Grégoire nous a également permis de rencontrer deux stagiaires de la Société Mer et Monde qui venaient tout juste de revenir du Honduras et avec qui nous avons pu échanger et discuter des problématiques du pays en général et de la situation de la capitale, Tegucigalpa, en particulier.

Afin de parfaire nos connaissances en ce qui a trait à la santé dans les pays en voie de développement, nous avons bénéficié d'une rencontre avec le Docteur Jacques Girard, responsable du cours " Santé dans les pays en voie de développement " donné à l'Université Laval. Plusieurs thèmes du cours ont été abordés, soit la santé des femmes et des enfants, la natalité et la planification familiale, la problématique croissante du SIDA et des maladies transmissibles sexuellement, la diarrhée, les parasites, les vecteurs ailés et aquatiques, la vaccination, les problèmes de structure sanitaire et le manque de ressources en soins de santé. Cette rencontre a été très profitable et je tiens à remercier personnellement le Docteur Girard de nous avoir consacré de son temps et de nous avoir soutenus dans nos démarches. L'Office Québec-Amériques pour la jeunesse nous a aussi convoqués à une soirée d'information incluant un volet historique et culturel et un autre portant sur les modalités avant-départ telles passeport, assurances, vaccins, etc. Le Bureau International nous a également invités à une rencontre semblable qui visait à parfaire notre préparation pour notre stage à l'étranger. C'est donc dire que nous avons été très bien encadrés avant notre départ et qu'aucun détail n'a été négligé. De plus, afin d'approfondir nos connaissances pratiques, nous avons bénéficié d'un cours de trois heures en compagnie de Madame Lise Pronovost, infirmière, qui nous a enseigné à faire des injections afin que nous puissions participer à des campagnes de vaccination dans nos milieux de stage au Honduras. Je tiens également à la remercier chaleureusement pour sa générosité et son dévouement.

Étant donné que la langue officielle du Honduras est l'espagnol, il va de soi que nous avons pris des cours afin de bien maîtriser cette langue avant le départ. Je suis loin de pouvoir dire que j'en détenais un contrôle parfait en arrivant en Amérique centrale, mais mes connaissances étaient suffisantes pour maintenir une conversation et le reste est venu très rapidement. En effet, l'espagnol est une langue qui s'apprend relativement vite étant donné qu'elle est très apparente au français.

Objectifs du stage
Voici la liste exhaustive des objectifs généraux et spécifiques que les membres de mon groupe et moi-même avons établis afin de nous guider dans notre formation ainsi que dans la planification et la réalisation de notre projet.

GÉNÉRAUX

  • Organiser (formations, modalités du voyage et financement) un projet d'aide humanitaire et y participer.
  • S'ouvrir sur le monde, s'adapter à une autre culture et partager les valeurs des Honduriens grâce aux liens tissés avec les familles et la communauté.
  • Se sensibiliser aux réalités socio-économiques du pays et aux conséquences des nombreux désastres naturels.
  • En tant qu'étudiants en médecine, offrir des soins médicaux de base et des conseils d'hygiène et de prévention, tout en se familiarisant avec la réalité médicale d'Amérique centrale.
  • Apprendre à travailler et à vivre en groupe.
  • Développer davantage des valeurs telles que l'ouverture d'esprit, le respect, la solidarité et l'autonomie.

    SPÉCIFIQUES
  • Prendre conscience des besoins réels du milieu de stage (Tegucigalpa) afin d'offrir le meilleur de nous pendant le séjour et pouvoir compléter notre aide après le retour, par exemple par l'envoi de médicaments ou de matériel scolaire.
  • Participer à une campagne de vaccination (éducation et vaccination concrète).
  • Dans le cadre des soins médicaux de base et des conseils d'hygiène et de prévention, pouvoir :
    - offrir des soins de santé mineurs
    - renseigner les gens en ce qui a trait à l'hygiène, aux premiers soins et aux
    méthodes de sécurité au travail
    - apporter et laisser sur place du matériel utile et durable, tels stéthoscopes et sphygmomanomètres
    - élaborer des programmes contre la drogue
    - travailler en collaboration avec les femmes pour les conseiller et les sensibiliser aux problèmes d'alimentation et de l'eau potable
    - approcher les enfants de la rue.
  • Créer des liens avec des Honduriens et se confronter à leur réalité en allant vivre dans des familles habitant en campagne.
  • Rencontrer les étudiants en médecine de Tegucigalpa pour discuter, comparer nos cheminements et visiter leur faculté.
  • Sensibiliser les gens d'ici à notre retour.

Destination : Honduras
J'ai cru bon d'inclure dans ce rapport une section consacrée à une description
sommaire du Honduras afin de rendre plus clair le contexte général du stage. D'abord, le Honduras se situe au centre de l'Amérique centrale et en constitue le deuxième plus grand pays de par sa superficie. Il est bordé par le Guatemala, le Nicaragua et El Salvador ainsi que par l'océan Atlantique et la mer des Caraïbes au nord et l'océan Pacifique au sud. Cette disposition près de deux océans a donné naissance à plusieurs villes portuaires, tant au nord qu'au sud du pays. Le territoire du Honduras est formé à 63 de montagnes et à 37 de vallées relativement larges et de plaines. Le climat est chaud et humide, avec une température moyenne d'environ trente degrés Celsius.


En 2000, la population hondurienne est estimée à 6.2 millions d'habitants et son taux de croissance annuelle est de 2,8 . Les moins de quinze ans représentent environ 47 de la population totale et en 1988, 49 des personnes âgées de dix ans et plus sont considérées comme étant économiquement actives. Environ la moitié de la population totale réside dans les zones urbaines, particulièrement à Tegucigalpa, la capitale, et à San Pedro Sula, deuxième ville en importance. Le Honduras est un pays éminemment catholique quoique la liberté de culte existe. Comme je l'ai déjà mentionné, la langue officielle est l'espagnol, mais l'anglais, le garifuna et le misquito sont aussi parlés dans le nord du pays.


La monnaie du Honduras est le lempira qui vaut environ dix sous canadiens. Au
niveau de la production économique, le secteur agricole représente 27 de la production de biens et services. Le café et la banane demeurent les principaux produits d'exportation quoique le melon, la pastèque, l'huile de palme, le sucre et les crevettes aient montré une augmentation significative de leur exportation dans les dernières années. Dans le secteur de l'industrie, des augmentations ont été constatées pour les produits dérivés du bois et le textile. Les taux de chômage et de sous-emploi sont toutefois très élevés et la faiblesse du revenu par habitant et la répartition profondément inéquitable des richesses sont à l'origine d'une pauvreté omniprésente. En effet, le Honduras figure au troisième rang des pays les plus pauvres d'Amérique latine. L'éducation est aussi un problème en considérant que 60 des personnes économiquement actives ont une scolarité inférieure à trois ans.

Au niveau de la santé, les problèmes d'accès, de couverture et de qualité des soins sont omniprésents et les maladies diarrhéiques et les infections respiratoires demeurent endémiques. La sous-alimentation, qui affecte plus de la moitié des enfants de moins de cinq ans, a aussi des conséquences négatives sur la santé, l'épanouissement physique et mental et les capacités d'apprentissage des enfants en bas âge. Les femmes, dont la quasi totalité sont monoparentales, ont en moyenne à leur charge de six à huit enfants et leur taux de mortalité est élevé, soit 155 pour 100 000. De plus, un pour cent seulement des femmes en âge de procréer ont accès à un moyen de contraception efficace, ce qui fait que plus de 60 des femmes ont des grossesses non désirées. En terme de milieu de vie, à peine le tiers des logements peuvent être considérés comme salubres, 64 d'entre eux sont surpeuplés, 33 ne disposent pas d'eau potable et 41 n'ont pas de système d'assainissement des eaux.

J'ai inclus à l'annexe 1 des tableaux statistiques sur la situation sanitaire de la population hondurienne avec les indicateurs démographiques et de ressources, d'accès et de couverture en matière de santé. Les indicateurs détaillés de morbidité, de mortalité et les
facteurs de risque sont également exposés, incluant les données sur la santé infantile.

En 1998, le Honduras a subi les ravages de l'ouragan Mitch dont les pluies diluviennes ont fait déborder les rivières et les vents puissants ont tout emporté sur leur passage, y compris les ponts, les maisons, les arbres et les commerces. Les récoltes furent dévastées et de nombreuses personnes perdirent la vie lors de cette catastrophe naturelle. Malgré l'aide apportée par les organismes de coopération internationale et les efforts de reconstruction, les ravages de Mitch se font toujours sentir au sein d'une population qui se trouvait déjà démunie et défavorisée.

Tegucigalpa et la Casa Clara-Lauzon
La capitale du Honduras, Tegucigalpa, est située dans le sud du pays et a une
population de 670 000 habitants. C'est dans cette ville que se situe la Casa (Maison) Clara- Lauzon appartenant à la Société Mer et monde et qui est utilisée pour loger les stagiaires quand ces derniers ne sont pas dans les familles d'accueil. La maison est située dans un quartier relativement aisé, à cinq minutes à pied de l'aéroport, avec un accès à l'eau et à l'électricité. Le niveau de sécurité est plus acceptable que dans le reste de la ville, mais tout de même pas très élevé. Pour cette raison, un gardien de nuit engagé de façon permanente veillait sur nous pendant que les innombrables chiens errants aboyaient et que des coups de fusil venant d'on ne sait où se faisaient parfois entendre. Les gens vivent tellement dans l'insécurité dans cette ville qu'ils mettent du barbelé ou des tessons de bouteilles sur les murs de béton qui entourent déjà leur maison pour éloigner les malfaiteurs ou les sans-abri. Ce n'est qu'une démonstration parmi des dizaines de l'isolement des riches vis-à-vis les pauvres. C'est donc dans cette maison que j'ai habité la plupart du temps avec les autres membres de mon groupe et d'autres bénévoles québécois. Les responsables de la maison sont Martin Couture et Sally Benoît, deux Québécois d'origine qui vivent maintenant à Tegucigalpa depuis plus d'un an avec leurs trois enfants. Ils font réellement un travail extraordinaire et je tiens à souligner l'extrême patience et la grande générosité dont ils font preuve autant envers nous, les stagiaires, qu'envers le peuple hondurien dont ils essaient d'améliorer la condition au meilleur de leurs capacités. Martin était entre autres responsable de nous diriger vers nos divers milieux de stage, de nous mettre en contact avec les différentes personnes ressources
ainsi que de s'assurer du bon déroulement de notre projet. Sans lui et sa famille, la réalisation de nos objectifs n'aurait jamais pu être possible.

La vie dans cette maison impliquait donc d'apprendre à vivre en groupe, ce qui a été plus difficile que je ne l'avais imaginé au départ. Une expérience comme celle que j'ai vécue au Honduras fait vivre une panoplie d'émotions qui modifient le comportement et les réactions de chacun et ce n'est pas toujours facile d'assembler tout cela ensemble. Par contre, ce contexte de vie est propice aux échanges et aux réflexions collectives, ce qui donne lieu à des discussions intéressantes qui enrichissent le cheminement personnel de chacun.


La ville comme telle est loin d'être accueillante. Le cours d'eau qui la traverse, le Rio Grande, est tellement pollué que des déchets flottent à la surface. Sur les rives, des enfants de la rue essaient de récupérer les objets qui pourraient avoir une valeur marchande. Le centre-ville prend des allures de dépotoir tellement il est sale et encombré par les déchets. L'air est tellement infect qu'il irrite la gorge et les yeux en moins de quelques minutes et les oreilles ne sont pas non plus épargnées grâce au tapage perpétué par les klaxons d'automobiles, les crissements de pneus et les cris des marchands qui harcèlent les passants en général et les rares touristes en particulier. De nombreuses ouvertures à ciel ouvert dans le sol rendent les déplacements dangereux et il est primordial de regarder où l'on met les pieds pour éviter une chute de quelques mètres. Des petits commerçants indépendants se taillent une place sur les trottoirs pour y monter leur kiosque et ainsi tenter de vendre toutes sortes d'objets hétéroclites.
À travers tout cela se mêlent les nombreux sans-abri, tant enfants qu'adultes, qui quêtent pour survivre, un sac de resistol (colle) à la bouche, cette drogue ayant la propriété d'enlever les sensations de froid et de faim. À l'horizon, sur les flancs des montagnes entourant le centre-ville, se dessinent les silhouettes des maisons des quartiers marginalisés, fabriquées avec tout un assemblage de matériaux, passant du bois à la tôle, des revêtements de plastique aux pierres ou au papier journal, avec une stabilité plus que précaire. En tant que Blanche à l'allure de riche Américaine, cheminer dans cet environnement n'a pas été de tout repos, les insultes pleuvant de toute part, la plus commune étant gringa qui signifie étrangère dans un sens plutôt péjoratif. Les demandes en mariage étaient aussi fréquentes, mais pas autant que les demandes pour de l'argent.


C'est surtout l'attitude des hommes envers les femmes qui m'a frappée au niveau des différences entre la culture hondurienne et la culture québécoise. Les femmes se font constamment siffler et harceler, comme si elles n'étaient que de vulgaires objets de consommation. Aucune forme de respect ne leur est témoignée et les cas de violence tant verbale que physique ne sont pas rares.


En somme, une des seules beautés que j'ai pu admirer dans l'aspect physique de la ville a été les marchés. Les fruits et les légumes frais aux couleurs vives se vendant à un prix ridiculement bas m'ont fait oublier pour quelques instants l'insalubrité de la ville... jusqu'à ce que j'arrive en face du boucher qui expose ses morceaux de viande à l'air libre, malgré une température de 30° Celcius et les mouches qui rôdent autour. Même chose pour les poissons et les fruits de mer...


Le tableau est peu reluisant mais il n'est malheureusement que trop réaliste. C'est
également frustrant de constater que toutes les infrastructures des services comme les épiceries, les centres commerciaux, les banques et les centres récréatifs sont en place mais que leur utilisation est réservée exclusivement aux riches, avec un contrôle strict par des policiers armés à l'entrée de chaque édifice. Les incidents dont j'ai été témoin à Tegucigalpa se comptent par centaines, mais il serait trop long d'en faire la liste exhaustive dans ce rapport. Je m'appliquerai donc plutôt à entamer la présentation des divers milieux de stage où j'ai évolué en incluant ce que j'y ai accompli, expérimenté et vécu.

Les divers milieux de stage
El Hogar Flor del campo (la garderie Flor del campo)
Cette garderie est l'une des cinq construites par Koinonia dans les dernières années. Elle est située en dehors du centre-ville de Tegucigalpa, dans l'un des quartiers les plus pauvres de la ville, soit Flor del campo. Bien que l'eau courante et l'électricité soient disponibles, seulement une minorité des habitants du village peuvent se payer ces services qui s'avèrent inconstants et de piètre qualité pour ce qui est de l'eau. Certaines maisons possèdent des latrines comme seules installations sanitaires alors que d'autres n'ont rien de ce genre et les habitants font alors leurs besoins naturels un peu partout. Les quatre autres garderies se trouvent dans des quartiers semblables et bien que j'aie visité certaines d'entre elles à quelques reprises, je parlerai plus précisément de celle de Flor del campo étant donné que c'est celle où j'ai réellement passé le plus de temps, les autres ayant été appuyées par mes partenaires de stage.


Les garderies visent avant tout à fournir un endroit où les enfants de mères
monoparentales peuvent recevoir nourriture et stimulation pendant le jour au lieu d'être laissés à eux-mêmes dans la maison ou dans la rue pendant que leur mère cherche à gagner quelques sous en allant vendre des tortillas ou travailler dans les maquillas. Elles voient également à ce que les quelques enfants allant à l'école fassent bien leurs devoirs après les cours. Les heures d'ouverture sont de sept heures à plus ou moins seize heures et le coût est de trente sous par jour environ. Chaque garderie est prise en charge par une éducatrice, Olga dans le cas de Flor del campo, qui s'occupe d'organiser des activités éducatives et artistiques avec les enfants. Le but est donc de les stimuler au maximum, de leur donner l'attention qu'ils ne reçoivent pas à la maison et de leur donner confiance en eux. Il est primordial de les aider à s'exprimer, que ce soit par le chant ou par le dessin ou encore par une simple écoute attentive. L'éducatrice est aidée par une ninera, c'est-à-dire une nourrice, Blanca, qui a la responsabilité de changer les couches, de donner les biberons aux plus petits et de maintenir le local propre en tout temps. La troisième membre de l'équipe est la cuisinière, Ana, qui s'occupe de préparer la collation du matin et le dîner pour les enfants (souvent, ce sont les seuls repas qu'ils reçoivent de la journée), les employées et les bénévoles, en l'occurrence les stagiaires comme moi. Tout a l'air de fonctionner à merveille avec une telle équipe, mais ce n'est pas si simple...


D'abord, le problème majeur de la garderie Flor del campo, comme dans toutes les autres garderies d'ailleurs, est le manque flagrant d'hygiène. Les enfants enrhumés en permanence sont mouchés avec leur chandail faute de mouchoirs ; les couches souillées sont remises dans les sacs de vêtements des enfants sans être lavées par crainte de manquer d'eau par la suite ; les enfants font tous leurs besoins dans un petit pot laissé au bord de la porte au lieu d'aller dans les latrines dehors, faute de personnes pouvant aller les aider et les surveiller; finalement, la très grande majorité d'entre eux ont des poux et des parasites qu'ils se transmettent entre eux. Devant ce tableau peu reluisant, nous avons donc décidé de commencer par ce qui était concrètement réalisable. Nous avons commencé par donner des shampooings pour éliminer les poux de la tête des enfants et nous leur avons administré de la Piperazine, un déparasitant donné en deux doses selon le poids de l'enfant. Ils ont aussi reçu un traitement de fluor pour leurs dents, mais je n'ai malheureusement pas personnellement participé à cette activité. Ces actions peuvent sembler inutiles pour celui qui se dit que l'enfant va encore contracter des poux de sa mère ou de ses frères et sœurs en retournant à la maison et qu'il va attraper de nouveau des parasites en buvant l'eau non potable et je dois avouer que c'est aussi la première pensée qu'il m'est venu quand je me suis mise à l'ouvrage, mais l'idée n'est pas là. L'important est avant tout de sensibiliser ces enfants à l'importance d'avoir une bonne hygiène malgré la pauvreté et le manque de ressources. Ce sont eux la relève du pays et s'il est difficile de changer les habitudes de leurs parents, il n'est sans doute
pas trop tard pour changer les leurs. Olga est déjà sensibilisée à l'importance de cela et elle fait laver les mains de tous les enfants avant les repas, veille à ce qu'ils aient les ongles toujours bien coupés pour éviter l'accumulation de terre et de saletés en dessous et leur fait brosser leurs dents à tous les jours. Cependant, malgré mes explications, elle est encore portée à croire qu'il est normal d'avoir des poux et des parasites car après tout elle en a elle-même... J'ai essayé de trouver des solutions aux problèmes des couches sales mais puisqu'il n'y a pas beaucoup d'eau, le mieux reste de les mettre dans un sac à part en espérant que la mère pourra les laver le soir à la maison, ce dont je me dois de douter. Pour les petits nez qui coulent, ce qui serait l'idéal est un chiffon qui ne servirait qu'à ça et que l'on laverait entre chaque utilisation mais il n'y a pas plus d'eau à dépenser pour ça que pour les couches et on imagine bien la transmission de tous les petits microbes si on négligeait de le laver. Serait-il trop demander aux mères que chaque enfant ait son mouchoir à lui seul ? Ce serait peut-être une solution à considérer. C'est quand même incroyable de voir à quel point une situation si simple et banale dans notre société devient un problème considérable dans une garderie comme celle de Flor del campo.


Ensuite, le deuxième problème d'importance est le trop grand nombre d'enfants à la charge de l'éducatrice, Olga. En effet, il y a environ vingt-cinq enfants de moins de six ans à sa charge, ce qui représente tout un défi quand on sait que le ratio maximal au Québec est de six pour un. Malgré le fait qu'Olga est une éducatrice extraordinaire, le résultat est désappointant : plusieurs enfants laissés à eux-mêmes dans leur couchette, des enfants qui pleurent non consolés, des enfants malades non soignés et la majorité présente un retard de développement très important par manque de stimulation. Je me souviens de Marbella, deux ans et demi, qui ne parle pas encore, de Dulce, 1 an, qui ne rampe pas, de Helmer David, 3 ans, qui verse des larmes silencieuses spontanément. La présence de bénévoles améliorent beaucoup leur sort en leur permettant d'avoir plus d'attention. Je n'oublierai jamais leur sourire et leurs yeux pétillants quand ils me voyaient arriver le matin. C'est incroyable de voir comment leur condition s'améliore rapidement après seulement quelques jours passés avec eux.


Avec la Doctora Maria Margarita
La Doctora Maria Margarita, comme je l'ai mentionné plus haut, est une médecin qui travaille en collaboration avec Koinonia et nous avons eu la chance, en équipe de deux, de passer des journées avec elle et de voir ainsi à quoi ressemblait la vie quotidienne d'une médecin hondurienne se dévouant pour les démunis. Maria possède sa propre clinique, la clînica Maria Auxiliadora, située dans un autre quartier très pauvre non loin du centre-ville de Tegucigalpa, où elle se fait généralement aider par une étudiante, Iris, qui fait office de secrétaire. La clinique possède l'électricité, mais pas l'eau courante. Ça rend un peu difficile le respect des règles d'hygiène de base comme le lavage des mains entre chaque patient.


Notre tâche consistait surtout à prendre la température, le poids et la pression artérielle des patients, ainsi qu'à donner les vaccins et les injections d'antibiotiques ou d'insuline lorsque Maria nous l'indiquait. Cette démarche permettait en somme à la Doctora de voir plus de patients et donc de soigner un plus grand nombre de personnes et à nous de se retrouver dans une réalité médicale totalement différente de ce que nous avions connu jusqu'à maintenant. Les diagnostics se font en très grande majorité à la suite d'une courte anamnèse et parfois d'un examen physique sommaire et des médicaments sont donnés au patient selon ce qu'il y a de disponible dans la pharmacie de la clinique. Ceux-ci proviennent tous de dons de différents organismes, mais le problème est qu'ils deviennent rapidement périmés et ainsi inutilisables. J'ai d'ailleurs profité d'un de mes passages à la clinique pour faire le ménage dans tous ces médicaments. J'ai dû jeter plus de la moitié d'entre eux parce qu'ils étaient périmés depuis plusieurs années. On a pu regarnir un peu les tablettes avec les médicaments que nous avait donnés le CSI (Collaboration Santé Internationale) à Québec et que nous avions amenés avec nous, mais les ressources demeurent en général très limitées.


Je n'ai jamais vu la Doctora faire une référence en spécialité et les seuls tests de
laboratoire qui ont été demandés à quelques reprises sont une formule sanguine et une culture d'urine. Une telle attitude serait qualifiée de négligente dans un pays comme le nôtre, mais au Honduras, les gens n'ont pas d'argent pour payer ces tests ou ces spécialistes et même si cela était gratuit, ils n'auraient pas plus d'argent pour payer le traitement que nécessite leur condition. Alors à quoi bon pousser les investigations plus loin?


Maria Margarita est aussi responsable de surveiller l'état de santé des enfants des garderies de Koinonia, qu'elle visite à tour de rôle l'après-midi, après ses consultations à la clinique le matin. Elle donne des antibiotiques pour les infections respiratoires, traite les tinea capitis, les nombreux problèmes de peau, etc. Une fois, elle a même extrait un ver de l'orteil d'un petit garçon, à froid, avec la seule aide d'une aiguille. L'enfant grimaçait, mais ne disait mot. C'est incroyable de voir à quel point le seuil de tolérance des enfants honduriens est élevé. Ils ne se plaignent jamais, contrairement à nos "enfants-rois" québécois...


Afin d'alléger la tâche de Maria, nous avons mesuré et pesé les enfants de toutes les garderies pour ensuite faire des courbes de croissance et détecter les enfants qui démontraient un retard staturo-pondéral, signe de malnutrition. Nous administrions ensuite à ces enfants des suppléments vitaminiques et nous nous assurions auprès de l'éducatrice que ces enfants mangeaient bien à la collation et au dîner. S'assurer que les enfants mangent bien et à leur faim est primordial dans les garderies car souvent, ce sont les seuls repas qu'ils ont de la journée et comme les garderies sont fermées les fins de semaine, les enfants arrivent trop souvent le ventre bien creux le lundi matin...

Maria Margarita va également faire des consultations dans un petit village situé à deux heures de Tegucigalpa, Puebio nuevo, et comme notre groupe a passé une semaine à cet endroit, j'en reparlerai plus en détail un peu plus loin.


Avec les Docteurs Luis et Mercedes Velilla
Ces deux médecins d'origine espagnole sont venus habiter au Honduras pour quelques années afin d'offrir des soins de santé aux plus démunis de ce pays. Ils n'apprécient guère la vie dans la capitale, mais ils se sentent utiles et valorisés par ce qu'ils font. Luis est gynécologue alors que Mercedes est généraliste et ils possèdent ensemble une clinique située non loin du centre-ville, dans un autre de ces quartiers très pauvres où les conditions sanitaires sont déplorables et l'accès à l'eau très difficile. J'ai assisté d'abord aux consultations de Mercedes et une fois de plus, j'ai été marquée par le peu de ressources dont elle dispose pour faire ses examens et pour traiter ses patients. Pour ne citer qu'un exemple, un jeune homme de dix-huit ans s'est présenté à la clinique avec une plaie d'environ trois centimètres de profondeur et huit centimètres de diamètre sous le pied ainsi qu'avec une plaque sans cheveux sur le dessus de la tête, de grandeur semblable. Le pauvre avait marché sur un fil électrique qui traînait dans la rue et s'était électrocuté. Tout ce qu'elle a pu faire c'est laver la plaie avec un peu d'eau, débrider partiellement avec des ciseaux, à froid bien entendu, et mettre une crème antibiotique. Elle a replacé le linge à vaisselle que l'homme avait placé autour de son pied et lui a dit de ne pas trop marcher dessus et de revenir en cas de besoin. Je n'ai malheureusement pas revu ce patient et je ne sais pas comment sa condition a évolué mais plusieurs scénarios ont envahi mon imagination... Mercedes fait également tous ses examens, y compris les examens gynécologiques, sans gants puisqu'elle est allergique au latex et qu'elle ne peut pas avoir accès à des gants faits avec d'autres matériaux. Elle dispose au moins d'eau courante, chose rare dans ces quartiers, ce qui lui permet malgré tout d'assurer un minimum d'hygiène. Mon rôle en sa compagnie a été essentiellement de l'aider à prendre les tensions artérielles et les températures et d'ausculter les patients. Je voudrais noter une fois de plus l'extrême proportion de patients ayant des parasites. C'est à se demander parfois s'il n'y en n'a pas dans l'air que respire les Honduriens.


J'ai aussi passé une partie de mon stage en compagnie du Docteur Luis Velilla, dont la pratique est beaucoup plus moderne. En effet, il a fait l'acquisition il y a quelques années d'un appareil pour faire des échographies dont il fait bénéficier à moindre coût, où même gratuitement pour certains, les patients qui n'ont pas les ressources financières suffisantes pour passer cet examen dans les hôpitaux. J'ai pu manipuler l'appareil à ma guise et faire quelques examens, ce qui s'avéra beaucoup plus difficile que je ne l'avais imaginé. Grâce à cette technologie. Luis peut suivre de près les grossesses de ses patientes et cibler celles qui sont à risque de complications et ainsi assurer un suivi étroit. Il m'a montré sommairement à faire un examen des seins et j'ai aidé aux prélèvements pour cytologie. J'ai été frappée par la forte prévalence de maladies transmises sexuellement, en particulier la chiamydia et les condylomes. C'est incroyable de constater qu'il y a encore des gens dans le monde qui ne connaissent pas l'existence du condom ou, s'il la connaisse, n'y ont pas accès. Ces maladies contribuent davantage à la détérioration d'un état de santé déjà précaire.


Luis va également faire des consultations au centre de santé de Lepaterique, un petit village dans les montages situé à environ une heure de route cahoteuse de Tegucigalpa. Je suis allée y passer une journée avec lui et le déroulement est sensiblement le même qu'à l'autre clinique. La pauvreté des gens est cependant encore plus marquée et plusieurs marchent pendant plus de six à huit heures dans les montagnes pour venir le consulter. La majorité d'entre eux souffre de malnutrition et de déshydratation étant donné l'accès difficile à l'eau dans les montagnes et les cultures qui sont moins bonnes que celles sur terrain plat. Les patients de Luis auraient souvent besoin de consulter des spécialistes pratiquant à Tegucigalpa, mais ils n'ont ni l'argent pour prendre l'autobus quotidien qui s'y rend, ni pour payer la consultation. Luis, avec sa volonté de pallier à ce problème, a réussi à amasser les fonds nécessaires à la construction d'un petit hôpital près du centre de santé de Lepaterique qui pourra répondre à un plus grand nombre de besoins et même héberger pour une nuit les patients qui viennent de villages très éloignés et qui doivent parcourir plusieurs kilomètres pour se faire soigner. Les habitants vont tous contribuer à la construction de l'hôpital qui devait se terminer pour le mois de novembre.


Pueblo nuevo
Situé à environ trois heures de route de Tegucigalpa, Puebio nuevo est un petit village de plus ou moins trois cents habitants dont les maisons sont dispersées sur les flancs des nombreuses montagnes de la région. J'y ai vécu ma première expérience de vie en famille qui s'avéra remplie d'émotions et de contacts enrichissants. J'ai habité avec une autre fille de mon groupe chez Selenia, une mère monoparentale de vingt-deux ans vivant avec ses deux enfants, son frère et son père dans une maison faite de terre et de bois, avec une seule pièce commune et une petite cuisine. Il n'y a évidemment pas d'électricité, ni d'eau, ni d'installations sanitaires. Nous dormions les deux ensemble sur un tapis tressé simple, où des pucerons se cachaient pour venir nous dévorer les jambes durant la nuit. Le frère de Selenia occupait un autre lit qu'il partage normalement avec son père, mais ce dernier n'était pas autorisé à dormir dans la même pièce que nous alors il a dû dormir chez de la parenté pour la durée de notre séjour. Selenia occupait le lit restant avec ses deux enfants. C'est un bel exemple de promiscuité qui demande beaucoup de tolérance. Malgré tout, l'entente règne et personne n'y voit d'inconvénients puisque personne n'a vécu autre chose.


On a passé beaucoup de temps à discuter avec Selenia et j'ai été surprise par sa vision du monde qui se limite à la vie dans ce petit village où elle est née et où elle va probablement passer toute sa vie. Par exemple, j'ai essayé de lui faire un dessin d'une carte du monde pour lui montrer où était mon pays par rapport au sien, mais je me suis rendue vite compte qu'elle n'avait jamais vu de globe terrestre et qu'elle ignorait même que la Terre était ronde. Par contre, elle nous a enseigné de brillante façon à faire des tortillas et nous a expliqué en détail les étapes du dépeçage d'un cochon pour les soirs de fête. C'est ce que j'appelle posséder un champ de connaissances pratique qui lui permet de vivre malgré le peu de ressources dont elle dispose.


La nourriture disponible dans ce village est très typique du pays, soit des tortillas, des frioles (fèves rouges broyées) et en certaines occasions, des avocats, des œufs et du fromage salé. Il y a aussi plusieurs plantations de bananes et des manguiers dont certains se retrouvent sur des propriétés privées, mais la majorité sont disponibles à tous, un peu comme la cueillette de petits fruits sauvages au Québec. Il n'y a pas d'eau courante partout, seulement quelques logis au centre du village ont des pilas qui servent de réservoir d'eau pour la cuisson, le nettoyage et la consommation. A ma connaissance, une seule personne chlore son eau dans le village, Bienvenida, chez qui nous prenions tous nos repas et qui nous fournissait en eau. Malgré les campagnes de prévention et d'éducation à ce sujet, les gens n'ont pas les ressources financières pour acheter du chlore, si peu cher soit-il. Pendant notre séjour, nous avons assisté à une réunion de tout le village portant sur le projet de canalisation de l'eau potable qui impliquerait une faible contribution financière étalée sur plusieurs années de la part de chaque famille. J'ai été surprise par le manque d'intérêt flagrant des habitants envers ce projet. Je ne sais pas si c'est le seul fait de ne pas vouloir donner de leur argent, mais il m'a semblé y avoir en plus un certain scepticisme quant aux avantages qu'apporteraient de telles installations. C'est comme si les habitants se disaient qu'ils ont toujours très bien vécu ainsi et que leur condition n'a pas à être améliorée de quelconque façon. Comme quoi ils ne peuvent pas aspirer à ce qu'ils n'ont jamais connu ou expérimenté. Il faut dire aussi que les hommes brillaient évidemment par leur absence et que la foule était constituée en majeure partie par les femmes et leurs enfants. Bien que le dirigeant de la réunion revendiquait l'opinion des femmes, seules celles possédant un minimum d'instruction ont osé se prononcer, soit l'infirmière et une enseignante. Comme si la démocratie ne concernait que les gens instruits...


À prime abord, notre objectif premier en terme de stage dans ce village était de
participer à une campagne de vaccination qui devait y avoir lieu mais étant donné les systèmes de communication très rudimentaires, en l'occurrence le bouche à oreille, les gens du centre de santé local n'ont pas pu nous aviser à temps que tout avait été reporté à la semaine suivante. Nous avons appris par la suite que ça faisait déjà quelques semaines que la campagne se trouvait reportée ainsi parce que les vaccins n'avaient pas été livrés ou que les infirmières ressources ne s'étaient pas déplacées. Nous avons donc décidé de rester sur place quand même et j'ai passé une journée avec l'infirmière qui fait les consultations médicales au centre de santé vu qu'il n'y a pas de médecin permanent pour remplir ce rôle. Quoique remplie de bonne volonté, les lacunes dans sa formation sont flagrantes et les diagnostics sont limités à quelques entités communes. Si un enfant respire vite, c'est qu'il fait de l'anémie alors elle lui donne du fer, s'il tousse en plus de respirer vite, alors ça devient une pneumonie et elle lui donne le seul antibiotique dont le centre de santé dispose dans sa pharmacie. Si une personne a mal au ventre, elle reçoit un médicament contre les parasites. Finalement, la situation ressemble sensiblement à celle de la clinique de la Doctora Maria Margarita : les médicaments disponibles sont très limités et les références en spécialité sont impossibles, alors à quoi bon pousser les investigations plus loin?


Comme je l'ai mentionné un peu plus haut. Maria Margarita vient de temps à autre à Puebio nuevo où elle donne des séances de formation sur plusieurs sujets touchant directement la santé des gens, comme par exemple l'importance de faire bouillir l'eau pour la purifier, d'utiliser les latrines disponibles au lieu de faire ses besoins naturels un peu partout, etc. Ce sont surtout les jeunes qui assistent à ces formations, ce qui démontre une fois de plus l'importance de les sensibiliser eux plutôt que leurs parents car ils sont plus ouverts à changer leur mentalité et à améliorer leur qualité de vie. Elle fait aussi des consultations très sommaires par la suite et donne les médicaments qu'elle a sous la main. Lors de son passage pendant notre séjour, nous avons pu l'aider à distribuer les médicaments, à prendre les tensions artérielles et les températures. Elle nous a fait remarquer ce jour-là que même si l'on expliquait clairement comment prendre le médicament, la majorité le prendrait d'une mauvaise manière, par exemple en prenant les trente comprimés d'un antibiotique sur une période de deux mois au lieu de dix jours. Effectivement, dans la logique de pensée des gens, s'ils prennent le médicament le plus longtemps possible, ils vont être guéris pour une plus longue période de temps. J'ai trouvé très difficile de constater que les lacunes se retrouvent ainsi à tous les niveaux et que toute la volonté et la générosité des intervenants en matière de santé ne pouvaient les pallier toutes. C'est un peu frustrant et surtout très décourageant.

Pueblo nuevo possède également une boulangerie qui a été construite par des bénévoles de Koinonia l'an dernier et qui vise à fournir un peu de travail aux femmes du village à qui l'on demande de faire du pain pour les enfants des garderies de Koinonia. Nous avons passé une journée avec ces femmes à faire du pain, ce qui a été très enrichissant car nous avons pu discuter avec elles et ainsi être encore plus en contact avec leur quotidien. Cependant, j'ai été une fois de plus déçue quand j'ai appris que la boulangerie fonctionnait seulement quand des bénévoles en assurait la coordination, les femmes n'ayant pas la motivation pour la faire fonctionner par elles-mêmes. C'est bien beau d'essayer d'aider les gens qui sont dans le besoin, mais que fait-on quand ces gens ne veulent pas s'aider eux- mêmes ?


La Casa Zulema
La Casa Zulema est une maison située à Valle de Angeles, un village assez aisé à environ une heure d'autobus de Tegucigalpa. C'est en réalité un centre d'hébergement pour personnes séropositives ou sidéennes qui a été construit il y a trois ans par un Père d'origine espagnole, le Padre Ramon, qui en dirige toujours l'organisation. La maison est située en retrait au beau milieu d'une forêt, ce qui en fait un lieu très tranquille. Lors de mon passage, il y avait sept adultes qui y habitaient, dont six femmes séropositives et un sidéen en phase terminale, Javier, ainsi que trois fillettes et un petit bébé de sept mois, José Antonio, qui a contracté la maladie de sa mère lors de l'accouchement. Tous ces patients sont encadrés par une infirmière, une cuisinière, une femme de ménage, un professeur et une nourrice pour les enfants. Cette équipe fait en sorte que la qualité de vie des patients soit maximisée et qu'ils reçoivent tous les traitements que nécessite leur condition. Je ne sais pas réellement où le Padre Ramon prend les fonds pour assurer de tels services, mais je crois que c'est par l'entremise de dons de communautés religieuses, dont plusieurs sont situées dans son pays d'origine.


Je n'avais pas de tâches précises lors de mon séjour à la Casa Zulema, mon rôle était surtout de passer du temps avec les patients, d'aider à la cuisine et au ménage afin de donner un petit répit à l'équipe. Plusieurs patients m'ont raconté leur histoire, y compris la façon dont ils ont contracté la maladie. La majorité d'entre eux sont totalement conscients de leur condition et du caractère mortel de la maladie, excepté les enfants qui ne savent pas du tout la raison de leur présence là-bas. On leur dit simplement que c'est le Padre Ramon maintenant leur nouvelle famille jusqu'à ce qu'une autre famille les adopte. Le problème est évidemment la rareté des familles qui veulent adopter un enfant séropositif, mais selon le Padre, les espoirs ne sont pas nuls. José Antonio en était d'ailleurs à sa dernière semaine à la Casa Zulema puisqu'une femme vivant à Tegucigalpa l'a pris en charge. Ce petit bébé est tellement mignon que j'avais peine à croire qu'il était gravement malade. Je lui ai donné le biberon, je l'ai bercé, bref je lui ai offert ce dont il avait besoin, de l'attention. Le contact que j'ai trouvé le plus difficile a été celui avec Javier, l'homme d'une quarantaine d'années en phase terminale. Sa condition s'est tellement détériorée qu'il est à peine capable de s'alimenter et qu'il passe le plus clair de son temps à dormir dans sa chaise roulante. J'ai quand même passé pas mal de temps avec lui, à lui montrer des photos du Canada et à lui parler de mon projet au Honduras. Il paraissait content de recevoir un peu d'attention et d'être distrait de ses malaises pendant quelques instants. C'est triste quand même de constater que cet homme avec une si faible qualité de vie attend sa mort comme si elle était une bénédiction.


El Centro de salud de Ojojona
Ojojona est un autre petit village très pauvre situé à environ une heure et demie
d'autobus de Tegucigalpa et où j'ai vécu ma deuxième expérience de vie en famille, après Puebio nuevo. Les gens chez qui j'habitais étaient beaucoup plus riches et plus âgés également. Les parents, Ildea et David, sont dans la quarantaine avancée et leurs deux filles sont dans la jeune vingtaine. Une de ces dernières a également une fille de six ans, Winnie, qu'elle élève seule, le père étant parti après sa naissance. Il y a une autre fille d'environ treize ans qui habite avec eux et qui fait office d'aide ménagère. Je passais donc la majorité de mes temps libres avec eux et je prenais également mes repas dans cette maison mais le soir, j'allais dormir chez la voisine, la sœur d'Ildea, Elisa, qui avait une chambre inoccupée, ce qui me permettait de dormir seule dans ma chambre. Il n'y avait pas d'eau courante, seulement un puits, mais il y avait des latrines et de l'électricité. Il y avait même une télévision dans la maison d'Ildea, chose que j'ai rarement vue pendant mon stage au Honduras. Cependant, les émissions qu'elle écoute ne renferme que des scènes de luxure avec de riches Américains qui habitent dans leur palais et qui vont à de grandes cérémonies. J'ai compris un peu par la suite d'où leur venait leur conception de ce qu'est le Canada car pour eux, il n'y a pas de différence entre notre pays et nos voisins du sud. J'ai essayé d'établir clairement les différences, mais leurs convictions sont très dures à changer. J'ai tout de même eu des conversations très intéressantes à ce sujet avec eux et juste le fait de pouvoir comparer les ressemblances et les différences entre leur pays et le mien m'a réellement apporté une toute autre vision du monde et m'a aidée à comprendre pourquoi les Honduriens sont parfois si hostiles envers nous, les Blancs.


Les repas étaient constitués de la nourriture typique du Honduras et il y avait
seulement du café à boire, ce que j'ai trouvé un peu dur sur l'hydratation. Malgré la chaleur qui règne en permanence, les Honduriens ne semblent jamais avoir soif, comme s'ils ne transpiraient pas. J'imagine qu'ils sont conditionnés comme ça dès leur jeune âge.


Le centre de santé du village est quand même très bien organisé et l'équipe est formée d'environ cinq ou six infirmières et de deux femmes médecins. Les consultations se font le matin seulement, comme dans les autres centres de santé où j'ai travaillé. Au départ, mon but était d'aller aider les infirmières pour la campagne de vaccination qui devait avoir lieu cette semaine-là, mais j'ai dû être confrontée une fois de plus à l'annulation de l'activité, sans que l'on m'ait avisée. J'ai donc fait mes tâches habituelles, soit prendre le poids, la tension artérielle et la température des patients, distribuer des médicaments et j'ai aussi donné des vaccins, des injections d'insuline et un nombre incalculable d'injections de Depo-Provera. Je ne suis pas certaine que toutes les patientes avaient été consultées avant de recevoir ce moyen de contraception, ce qui soulève un grave problème éthique. C'est certain que les grossesses non désirées sont un très gros problème au Honduras et qu'un contrôle des naissances devient nécessaire mais je pense que la patiente doit tout de même être avertie de ce qu'elle reçoit et des effets que ça a sur son organisme. Son consentement devrait toujours être obtenu, ce qui m'a paru ne pas toujours être le cas.


Même si c'était clairement établi dès le départ que je n'étais pas encore médecin et que je ne pouvais pas faire de consultations, il y a une infirmière qui tenait à ce que j'en fasse quand même sous prétexte que j'étais instruite et que je devais sans doute savoir comment faire même si je ne l'avais pas encore appris dans mon pays. Ça m'a démontré une fois de plus à quel point les Honduriens nous placent à un niveau supérieur par rapport à eux. Il y a aussi eu cette patiente que cette même infirmière voulait que je prenne en charge, une femme d'environ trente ans qui s'est présentée au centre de santé avec une entaille d'une dizaine de centimètres de long à la tête, séquelle d'un coup de barre de fer que lui avait administré son mari rentré saoul aux petites heures du jour. J'ai refoulé la colère et la frustration qui montaient en moi et j'ai lavé la plaie mais j'ai laissé la tâche des points de suture à une infirmière plus expérimentée. Ce n'était pas la première fois qu'une telle chose arrivait à cette femme et son mari est encore en liberté, prêt à sévir de nouveau. Les lois à ce sujet n'existent pas au Honduras, on dirait même que c'est un acte normal que de battre sa femme. Je crois que je n'ai pas besoin d'émettre plus de commentaires.

Bien que je me sois promenée à plusieurs reprises dans le village, il m'a été difficile d'établir des contacts avec d'autres personnes que les gens de ma famille d'accueil. Malgré mes explications, les gens ne comprenaient pas trop pourquoi je m'intéressais à eux et pour quelles raisons je quittais mon pays pour venir au Honduras, ne serait-ce que pour quelques semaines. Il faut dire que j'étais une des premières bénévoles à aller travailler dans ce village, ce qui amenait une dynamique totalement différente de Puebio nuevo où Koinonia envoie des bénévoles depuis déjà quelques années et ce de façon régulière. C'est bien de pouvoir ainsi comparer l'attitude de Honduriens envers les volontaires canadiens au fil des ans. C'est petit à petit qu'on réussira à leur ouvrir une fenêtre sur le monde et à leur faire prendre conscience de l'importance de modifier certaines de leurs habitudes de vie, sans toutefois nier leur culture et penser comme les Américains, qui, à mon avis, ont une très mauvaise influence sur le développement de ces populations. Ce n'est pas en leur faisant miroiter les richesses des pays voisins que les peuples du Tiers-monde vont réussir à rebâtir leur économie mais bien en exploitant les ressources de leur propre pays en vertu de leurs propres valeurs. Cela à condition bien sûr que les Américains ne soient pas déjà passés avant pour monopoliser leurs terres et exploiter les travailleurs locaux. Mais ça c'est une toute autre histoire.

Résultats en lien avec les objectifs
Suite à cette revue des divers milieux de stage où j'ai évolué, je reprendrai chacun des objectifs généraux et spécifiques présentés au début de ce rapport avec leur numéro correspondant afin de les mettre en parallèle avec les résultats obtenus par la réalisation de mon projet d'aide humanitaire au Honduras.


GÉNÉRAUX

  • Organiser (formations, modalités du voyage et financement) un projet d'aide humanitaire et y participer : Accompli!
  • S'ouvrir sur le monde, s'adapter à une autre culture et partager les valeurs des Honduriens grâce aux liens tissés avec les familles et la communauté : Bien qu'au départ, notre groupe était censé vivre plus longtemps en famille, je crois que, personnellement, mes séjours à Puebio nuevo et à Ojojona m'ont permis de vivre assez longtemps au cœur même du quotidien des Honduriens pour comprendre davantage leur style de vie et leur façon de
    voir la vie et le monde. Quand à m'adapter à la culture, il y a des choses que j'ai eu beaucoup de misère à supporter, en particulier la façon dont les hommes traitent les femmes, c'est-à-dire comme du bétail, mais les nombreuses formations que nous avons eues ont contribué à atténuer le choc culturel en général.
  • Se sensibiliser aux réalités socio-économiques du pays et aux conséquences des nombreux désastres naturels : J'ai pu constater à maintes reprises les ravages de l'ouragan Mitch qui sont toujours présents malgré les efforts de reconstruction et de nettoyage. Aussi, en dépit d'une grande volonté pour améliorer le sort du pays, j'ai pu constater que le manque de ressources financières est trop souvent le centre du problème et la pauvreté est
    malheureusement présente partout, ou du moins dans mes lieux de stage.
  • En tant qu'étudiants en médecine, offrir des soins médicaux de base et des conseils d'hygiène et de prévention, tout en se familiarisant avec la réalité médicale d'Amérique centrale : Je crois que cet objectif a été largement atteint dans le cadre de mon travail dans les différents centres de santé et cliniques médicales déjà mentionnés, en collaboration avec les médecins et les infirmières, ainsi que lors de mes passages dans les garderies de Koinonia.
  • Apprendre à vivre et à travailler en groupe : Le fait de vivre avec une vingtaine de personnes dans une maison fonctionnant plus ou moins comme une commune m'a permis en effet d'apprendre à vivre en faisant des concessions et à user au maximum de mes capacités de tolérance et de compréhension.
  • Développer davantage des valeurs telles que l'ouverture d'esprit, le respect, la solidarité et l'autonomie : Une plus grande ouverture d'esprit face à une culture que je ne comprenais pas toujours, le respect de mes coéquipiers et de la manière de penser des Honduriens, la solidarité en travaillant avec les plus démunis et l'autonomie nécessaire pour aller vers les gens et discuter avec eux sans toujours avoir un intermédiaire. Voilà seulement quelques
    qualités et forces parmi tant d'autres que mon stage au Honduras m'a permis de développer.

    SPÉCIFIQUES


  • Prendre conscience des besoins réels du milieu de stage (Tegucigalpa) afin d'offrir le meilleur de nous pendant le séjour et pouvoir compléter notre aide après le retour, par exemple par l'envoi de médicaments ou de matériel scolaire : Cet objectif a pu être réalisé majoritairement grâce à notre association avec Koinonia, mais je crois que nous aurions pu être encore plus efficaces en se partageant les divers milieux de stage au lieu d'y aller chacun notre tour. La procédure que nous avons adoptée nous a permis de connaître plusieurs réalités différentes mais ne nous a pas permis de se concentrer sur un seul projet pour le développer à fond. Pour ce qui est de compléter notre aide après notre retour, nous prévoyons envoyer sous peu le surplus d'argent que nous avons recueilli lors de notre financement afin que Koinonia et d'autres organismes locaux l'utilisent à bon escient au profit des gens dans le besoin.
  • Participer à une campagne de vaccination (éducation et vaccination concrète) : Cet objectif n'a malheureusement pas pu être réalisé suite aux deux annulations de l'activité à Puebio nuevo et à Ojojona.
  • Dans le cadre des soins médicaux de base et des conseils d'hygiène et de prévention, pouvoir :
    - offrir des soins de santé mineurs : réalisé dans le cadre du travail dans les centres de santé et cliniques médicales.
    - renseigner les gens en ce qui a trait à l'hygiène, aux premiers soins et aux méthodes de sécurité au travail : le thème de l'hygiène a été abordé très fréquemment mais je crois que les deux autres points ont été négligés.
    - apporter et laisser sur place du matériel utile et durable, tels stéthoscopes et sphygmomanomètres : nous avons en effet distribué, dans les différents centres de santé et garderies, des gants de latex, des thermomètres, des stéthoscopes, des sphygmomanomètres et des médicaments que nous avions apportés du Québec.
    - élaborer des programmes contre la drogue : je n'ai malheureusement pas
    personnellement eu l'occasion de travailler sur cet aspect lors de mon stage, les autres membres de mon groupe non plus d'ailleurs.
    - travailler en collaboration avec les femmes pour les conseiller et les sensibiliser aux problèmes d'alimentation et de l'eau potable : j'ai pu participer à des activités de prévention auprès des femmes en collaboration avec les médecins et les infirmières des centres de santé et cliniques médicales, mais je n'ai pas mis de l'avant moi-même des séances de formation sur ces sujets. Je crois qu'une plus longue durée de séjour m'aurait été nécessaire pour réaliser cet objectif, ne serait-ce que pour mieux maîtriser la langue et établir une véritable relation de confiance avec les femmes et ainsi m'assurer de leur collaboration.
    - approcher les enfants de la rue : je n'ai pas personnellement eu l'opportunité d'établir des liens avec eux, m'ayant investie dans d'autres projets, mais certains de mes partenaires de stage en ont eu l'occasion par l'entremise de Koinonia.
  • Créer des liens avec les Honduriens et se confronter à leur réalité en allant vivre dans des familles habitant en campagne : objectif réalisé dans le cadre de mes séjours à Pueblo nuevo et à Ojojona.
  • Rencontrer les étudiants en médecine de Tegucigalpa pour discuter, comparer nos cheminements et visiter leur faculté : cet objectif n'a pas pu être réalisé en raison d'une grève universitaire qui avait lieu lors de notre séjour.
  • Sensibiliser les gens d'ici à notre retour : cet objectif se réalisera dans les prochains mois et années à venir en discutant avec mes proches de ce que j'ai vécu et en faisant une conférence à l'université portant sur l'importance de ces projets d'aide humanitaire pour le bien-être présent et futur des populations du Tiers-monde.

Contacts les plus enrichissants
Par la présentation de mes divers milieux de stage, j'ai déjà mentionné les gens avec lesquels j'ai entré en contact pendant mon séjour au Honduras et chacun d'eux m'a enrichie personnellement. Cependant, je tiens à souligner ici ceux qui m'ont le plus apporté au plan humain et qui resteront à jamais gravés dans ma mémoire.


D'abord, les enfants de la garderie Flor del campo, qui ont tant d'amour à donner et qui en reçoivent si peu. Certains avec leurs yeux pétillants, d'autres avec un regard triste, tous m'ont touchée et me rappelleront toujours à quel point j'ai eu de la chance de pouvoir grandir et me développer dans un milieu sain et stimulant. Faire la connaissance de Kenia, Tonito, André et Grissel m'a permis de mettre de côté mon égoïsme et de faire de mon mieux pour atténuer les injustices que vivent les enfants démunis et les gens pauvres en général. Personne n'a le loisir de choisir dans quelles conditions de vie il naîtra et les plus chanceux comme vous et moi se doivent de donner autant qu'ils ont reçu. Ensuite, il y a le Docteur Luis Velilla, pour qui j'accorde un immense respect pour sa juste compréhension de la situation des populations du Tiers-monde et son désir inconditionnel de leur accorder les soins de santé auxquels elles ont droit, au même titre que les gens des pays plus riches. La discussion que j'ai eue avec lui sur son expérience de médecin volontaire pendant la guerre au Rwanda a fait naître en moi une grande admiration mais aussi une frustration de ne pas avoir le courage qui me permettrait d'en faire autant. Luis à ce propos m'a spécifié que ce n'était pas une question de courage, que tous les gens qui se portent volontaires pour travailler dans de telles conditions éprouvent de la peur. Cependant, ils choisissent de vaincre cette peur pour n'écouter que leur conscience
sociale qui les empêche de rester là à ne rien faire alors que de véritables massacres ont lieu et que des gens souffrent sans possibilité d'avoir accès à des soins. Ce qu'il apporte présentement au peuple hondurien est aussi exemplaire, de même que sa confiance en l'avenir et sa conviction que les choses vont changer petit à petit si tout le monde se met à la tâche. Il est devenu un véritable modèle pour moi. Finalement, les gens de Puebio nuevo en général m'ont permis de connaître une réalité socio-sanitaire et culturelle totalement différente, contribuant à l'élargissement de ma fenêtre ouverte sur le monde et à mon ouverture d'esprit. Leur authenticité me restera également toujours en tête, tout comme la simplicité avec laquelle ils vivent leur vie. Leurs préoccupations se limitant aux éléments essentiels de la vie, tels les moyens de subsistance et la famille, ils m'ont amenée à me questionner sur le fondement de mes valeurs et sur la façon dont je veux réellement vivre ma vie dans notre société de onsommation où les intérêts sont trop souvent d'ordre matériel plutôt qu'humain.


Vous voyez bien à la lumière de ces commentaires qu'un stage d'aide humanitaire
n'implique pas seulement de donner aux gens dans le besoin, mais aussi d'être prêt à recevoir. Les habitants des pays du Tiers-monde sont peut-être affligés d'une pauvreté matérielle visible dont ils ont conscience et pour laquelle nous essayons de leur venir en aide, mais les riches des sociétés privilégiées ignorent trop souvent qu'il sont pauvres eux aussi, pauvres moralement. La richesse morale est dure d'acquisition pour nous, peut-être parce qu'elle ne se paie pas, mais de toute façon, les Honduriens nous l'offrent toujours gratuitement et souvent sans le savoir.

Réflexions personnelles
Chaque jour, heure et minute de mon séjour au Honduras a contribué à moduler ma pensée, à me transformer et à me faire grandir en tant que personne humaine. Ce n'est cependant qu'au retour de ce stage que j'ai été en mesure de le constater, après que la poussière ait retombé et que je sois revenue dans mon quotidien. C'est alors que l'absurdité de certains aspects de la vie des gens qui m'entourent et de la mienne également m'a frappée. Le stress en particulier est déplorable... le stress de devoir arriver à temps au travail, le stress de travailler pour gagner des sous, le stress de gagner assez de sous pour payer les études, le stress d'étudier pour réussir les examens, le stress de réussir les examens... pour réussir quoi? Un sage a dit un jour que l'important n'est pas de réussir dans la vie mais bien de réussir sa vie. Nous ne pouvons nier la pauvreté, le manque d'éducation et d'hygiène des Honduriens qui n'ont pas de ressources suffisantes pour atteindre un niveau de vie semblable au nôtre. Nous ne pouvons non plus manquer de constater leur manque d'organisation et les déficits de leurs systèmes de communication encore très rudimentaires alors que la majorité des foyers québécois possèdent deux téléviseurs, trois radios, quatre téléphones et un ordinateur avec accès à Internet. Cependant, les gens qu'il m'a été donné de côtoyer au Honduras se levaient chaque matin avec pour seule intention de se rendre à la journée suivante, en vivant constamment le moment présent sans se préoccuper de l'avenir, en mettant sur leur chemin le travail mais aussi les loisirs en famille et entre amis, en faisant abstraction de leur pauvreté matérielle qui semble étrangement proportionnelle à la richesse du cœur. Leur vie est équilibrée, contrairement à la majorité d'entre nous, bourreaux de travail, qui négligeons trop souvent notre famille et nos amis. Ainsi, j'en reviens à ma question, que va-t-on réussir en se stressant pour des examens, le travail, l'argent? Des machines ou encore des êtres sans sentiments? N'y a-t-il pas lieu de se stresser avec l'importance de passer du temps avec ses parents, ses frères et ses sœurs et de s'inquiéter des conditions de vie et du bien-être des gens des autres pays pour se rappeler qu'on est des êtres humains vivant en relation les uns avec les autres, dans une même maison, une même ville, sur une même planète? En tant qu'étudiante en médecine, je sais que je réussis dans LA vie en me préparant une carrière, mais je prends conscience de l'importance de toujours me garder entourée des gens que j'aime, de leur accorder du temps à eux mais aussi aux gens démunis des quatre coins du monde pour avoir le sentiment de réussir MA vie en enrichissant celle des autres par ma présence et mon soutien.

Suggestions et recommandations pour les futurs stages
Je n'ai que quelques commentaires à ajouter dans cette section qui pourraient servir à conseiller de futurs stagiaires se dirigeant vers les pays en voie de développement ou d'aide-mémoire à ma propre personne si l'occasion de refaire un projet d'aide humanitaire surviendrait. D'abord, l'apprentissage de la langue du pays visité avant le départ est primordial afin de pouvoir entrer en contact le plus rapidement possible avec les gens. De plus, en raison du niveau d'organisation des pays en voie de développement qui est souvent beaucoup moindre que celui auquel nous sommes habitués, il est important de s'attendre à devoir faire preuve d'une grande patience et surtout d'une bonne capacité d'adaptation. En dépit de la meilleure planification possible, des déceptions surviennent souvent comme vous avez pu le constater avec les campagnes de vaccination auxquelles je n'ai pas pu participer. Ensuite, la durée du séjour doit être planifiée avec soin. Il est important de se laisser une période d'adaptation au nouveau milieu de vie avant de débuter le stage comme tel. Cette période d'adaptation pourra cependant être raccourcie au maximum par une bonne préparation avant le départ. Cette dernière est d'après moi essentielle et est d'autant plus appropriée qu'elle permet de rencontrer des gens ayant déjà été à l'endroit visité et qui sont en mesure
d'établir rapidement le contexte dans lequel la population vit pour atténuer les chocs culturels qui peuvent freiner l'efficacité des stagiaires. Ainsi, à tous ceux que j'ai convaincus, bonne expérience!

ANNEXE II - Commenditaires