Marie-Ève Parent

Salud Honduras

RAPPORT DE STAGE AU HONDURAS
DOMAINE DE LA SANTÉ

7 MAI AU 25 JUIN 2001

 

 

" Et puis Marie-Eve, comment s'est passé ton voyage ? " Cette question m'est posée régulièrement depuis mon retour du Honduras. Chaque fois, je vis le même problème: comment raconter ces sept semaines de ma vie ? Soit je me lance dans un monologue de plusieurs heures, soit je réponds que c'était très bien mais difficile, sans autre détail. J'avoue que le plus souvent, c'est la deuxième option que je choisis, car je ne trouve pas les mots exacts pour décrire tout ce que j'ai vécu. Toutefois, ce rapport me donnera l'occasion de prendre le temps de réflexion essentiel à la suite d'une expérience unique comme celle que j'ai vécue.

Afin de mieux saisir mes propos, je propose d'abord de me décrire brièvement. J'ai actuellement 21 ans, et j'ai toujours vécu dans la région de Québec. Ce projet de coopération internationale au Honduras n'était pas mon premier contact avec un pays du Tiers-monde. Au secondaire, j'ai étudié au Programme d'éducation internationale de l'école secondaire De Rochebelle à Sainte-Foy. C'est durant mes cinq années là-bas que je me suis ouverte à des cultures et à des pays différents de ce que je connaissais. J'ai appris plusieurs notions sur les conflits et les situations problématiques du monde, et j'ai été sensibilisée à l'importance d'apporter ma contribution là où je le pouvais. De plus, j'ai étudié l'espagnol durant mes deuxième, troisième et quatrième année de secondaire. Selon ce cheminement, je suis allée à Cuba en juillet 1995 afin d'y accomplir trois semaines de travail humanitaire. En juillet et août 1999, j'ai eu la chance d'aller rejoindre un missionnaire qui vivait en Tanzanie. Bien que je n'aie pas pu apporter une aide directe (question de visa), j'ai pu prendre conscience de la situation socio-économique du pays, et m'imprégner de la culture. J'ai aussi été frappée par la pauvreté en matière de soins de santé et des conséquences tragiques de l'épidémie de SIDA qui sévit en Afrique sub-saharienne. À cela, j'ajouterai que je ressens régulièrement l'envie de diriger ma future carrière de médecin vers des activités internationales, soit via des organismes tels Médecins sans frontières soit en étant affiliée à un centre de santé et y donner un peu de mon temps chaque année.


OBJECTIFS SPÉCIFIQUES ET RÉSULTATS ATTENDUS

Avant de poursuivre, je voudrais prendre quelques instants pour rappeler brièvement le contexte de notre projet. Nous étions dix étudiants en médecine (neuf ayant complété la deuxième année et un ayant terminé la troisième année) dont le but commun était de réaliser un projet d'aide humanitaire à visée médicale dans un pays d'Amérique centrale.

Voici les objectifs communs que nous avions établis quelques mois avant notre départ:

1. Organiser (formations, modalités du voyage et financement) et participer à un projet d'aide humanitaire
2. S'ouvrir sur le monde, s'adapter à une autre culture et partager les valeurs des Honduriens grâce aux liens tissés avec les familles et la communauté
3. Se sensibiliser aux réalités socio-économiques du pays et aux conséquences de nombreux désastres naturels
4. En tant qu'étudiants en médecine, offrir des soins médicaux de base et des conseils d'hygiène et de prévention, tout en se familiarisant avec la réalité médicale d'Amérique centrale
5. Apprendre à travailler et à vivre en groupe
6. Développer davantage des valeurs telles que l'ouverture d'esprit, le respect, la solidarité et l'autonomie.

À cela, j'ajoute que nous avions prévu concentrer nos efforts auprès des femmes et des enfants en raison de la situation sociale hondurienne. En effet, les hommes sont souvent absents de la vie familiale, travaillant loin de la maison et revenant au foyer pour faire un enfant et repartir plus tard ; ceci ayant pour conséquence l'omniprésence des femmes dans le fonctionnement de la société. De plus, le nombre d'enfants de la rue est sans cesse grandissant et le besoin d'agir à ce niveau est capital.

Enfin, je voudrais préciser mes objectifs d'ordre personnel. D'abord, il était très clair dans ma tête que je partais au Honduras pour apporter un peu de mon aide, et non pour accomplir un stage. C'est certain que je voulais concentrer mes efforts au niveau médical, mais je ne voulais en aucun cas agir seulement en observatrice. De plus, pour moi il était capital de créer des liens d'amitié avec des Honduriens et de comprendre la culture du pays. Je voulais me couper de ma réalité nord-américaine pour saisir le mieux possible le Honduras et l'Amérique centrale.

PRÉALABLES AU STAGE

ORIGINE DE L'IDÉE

Au départ, il faut savoir que nous, les membres du groupe, sommes des amis depuis notre première session en médecine. Plusieurs d'entre nous éprouvaient silencieusement le désir de réaliser un projet d'aide humanitaire au cours de nos années universitaires. De plus, certains, dont moi (Cuba en 1995, Tanzanie en 1999), avaient déjà pris part à des projets de ce genre. C'est finalement au cours de quelques conversations que nous avons découvert que nous étions plusieurs à ressentir ce même besoin .

Durant la session d'hiver 2001, nous avons cherché des contacts en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Le pourquoi de ce choix de destination réside dans la langue, c'est-à-dire l'espagnol, utilisée en majorité par les pays de cette zone. Au cours de nos recherches, nous avons réalisé qu'il est moins cher (billet d'avion) de se rendre en Amérique centrale, alors nous avons concentré nos efforts de ce côté. En fin de compte, Anne-Marie Poitevin a trouvé un bon contact avec la société Mer et Monde, un organisme à but non lucratif qui a développé un intérêt particulier pour la coopération internationale, particulièrement auprès des enfants (notamment ceux de la rue) et des femmes. Cette société basée à Montréal possède une maison mère au Sénégal et une autre au Honduras où elle collabore avec des ONG (organismes non gouvernementaux) locaux. Mer et Monde comportait des caractéristiques compatibles avec nos objectifs, alors c'est ainsi que notre choix de destination s'est arrêté sur le Honduras.


PRÉPARATION

La société Mer et Monde, tient à ce que ses bénévoles soient bien préparés à vivre une expérience d'aide internationale. Pour ce faire, elle oblige les participants à suivre une formation dispensée par un organisme affilié : Salut, le monde!. Ceci nous convenait très bien, car nous avions établi dès le départ qu'il nous faudrait trouver un moyen de préparation. Notre formation a pris la forme de quatre fins de semaine et de deux soupers où nous avons abordé des sujets tels que l'histoire, la politique, la culture, les enjeux sociaux, la santé au Honduras, etc. De plus, nous avons appris à mieux nous connaître en tant qu'individu et en tant que groupe. Finalement, il a également été question des modes d'intervention et de coopération internationale au niveau des politiques canadiennes et mondiales.

Sur le plan médical, nous avons reçu une formation de trois heures en matière de vaccination. C'est madame Lise Pronovost de la faculté des Sciences infirmières de l'université Laval qui a bien voulu prendre de son temps pour nous enseigner les rudiments des injections. De plus, du côté de la médecine sociale, nous avons rencontré monsieur Jacques Girard, de la faculté de médecine de l'université Laval, lors d'une soirée où nous avons abordé les thèmes du cours Santé dans les pays en voie de développement (MED-14532).

À tout cela, s'ajoutent un cours d'espagnol à l'École des Langues Vivantes de l'université Laval ainsi que des rencontres ci et là avec des gens qui ont vécu l'expérience de projets internationaux. Je pense entre autres à notre rencontre avec des Honduriens et une étudiante qui avait collaboré avec eux l'année précédante, à la conférence du Dr Louise Côté sur les préparatifs et les conseils de prévention en matière de santé des voyageurs, à la Session de préparation au départ offerte par le Bureau International de l'université Laval, etc.


CONTACTS ET DÉMARCHES

Afin de réaliser nos objectifs, nous avions besoin de personnes ressources pour compléter notre formation, de matériel médical et surtout d'argent. D'ailleurs voici un bref aperçu de notre budget :

" Frais de formation donnée par Salut, le monde! 200 $ / personne
" Billets d'avion et taxes d'aéroport ~ 800 $ / personne
" Frais de séjour au Honduras
(logement, nourriture, transport) 14 $US / jour / personne X 7 semaines
" Frais d'assurances pour le voyage
" Frais de vaccination et de médicaments ~ 100 $ / personne
" Frais d'accréditation universitaire 185 $ / personne

Le total se chiffrait à près de 3 000 $ CAN par personne, donc à près de 30 000 $ pour l'ensemble des dix membres du groupe.

Afin de parvenir à amasser le matériel et les fonds nécessaires à la réalisation de notre projet, nous avons compté sur la participation de chaque personne du groupe. Ainsi, nous avons tous cherché non seulement parmi nos contacts personnels, mais aussi parmi des organismes, des entreprises, des magasins, des restaurants qui ne nous connaissaient pas, mais que nous croyions en mesure de nous aider. De plus, nous avons sollicité l'appui du public en publiant des articles dans des journaux tels L'Appel et Le Soleil. Voici quelques exemples de contacts (sans égard au montant de la commandite) :

- Le Bureau International de l'université Laval
- L'Office Québec-Amériques pour la jeunesse (OQAJ)
- Les maires, députés (provinciaux et libéraux) de nos villes et comptés respectifs
- L'église Saint-Charles-Garnier à Sillery (le curé nous a permis de solliciter l'appui des paroissiens lors de trois messes)
- Boutiques, restaurants des régions de Québec et de Montréal

Un organisme de Québec, Collaboration Santé Internationale Inc. (CSI), nous a gratuitement fourni du matériel médical ainsi que des médicaments pour offrir aux intervenants de la santé avec qui nous allions travailler au Honduras. Ce qui est particulièrement intéressant avec cet organisme, c'est qu'en plus de donner une grande quantité de matériel, il s'occupe des démarches administratives qu'il faut effectuer pour apporter des médicaments dans un pays étranger (frais de transport, taxes, liste des médicaments, lettre officielle pour les douanes,…).

Finalement, nous avons complété notre financement par des petites activités telles que la vente de suçons dans notre entourage et à l'université (contact avec les magasins Laura Secord), un " Cosmic Bowling " (activité de quille fluorescente au Salon De Quilles Brunswick-Frontenac où on faisait tirer des prix offerts par des commanditaires que nous avions recrutés (les restaurants Ashton, …).

 

CONTEXTE GÉNÉRAL DU STAGE

LE PAYS: LE HONDURAS

Le Honduras est un pays montagneux situé en Amérique centrale. Il est bordé par le Guatemala au nord-ouest, par le Salvador au sud-ouest et par le Nicaragua au sud-est. Il possède 644 kilomètres de littoral baignés par la mer des Caraïbes et 124 autres kilomètres, cette fois baignés par l'océan Pacifique dans le golfe de Foncesca. Ce qui est frappant au Honduras c'est la diversité de la végétation. Le centre est très montagneux et on y retrouve une importante quantité de pins et autres conifères. Le nord du pays (région côtière) est très différent avec ses feuillus, ses palmiers et l'altitude plus basse des terres, ce qui en fait une région plus touristique. D'ailleurs, le climat est très différent selon les régions, car la saison des pluies peut régner sur le centre alors qu'il fait une chaleur et un soleil extrême dans le nord du pays. Il ne faut pas oublier les trois îles honduriennes, Islas de la Bahia, situées dans les Caraïbes et qui attirent la majorité des touristes.

Du point de vue socio-économique, le Honduras est le second pays d'Amérique centrale en terme de pauvreté et de conditions de vie, le premier étant Haïti. Le problème c'est que les montagnes (seulement le sixième des terres sont arables et le quart de celles-ci sont boisées) et le réseau routier pratiquement inexistant dans plusieurs zones du pays contribuent à l'isolement de certaines régions et freinent le développement socio-économique du pays. Toutefois, d'autres zones sont très développées sur le plan économique, comme le nord du pays qui est occupé par de vastes plantations de bananes, ananas et autres fruits. En effet, la Standard Fruit (Dole) et la United Fruit (Chiquita Brands) exploitent des plantations qui servent à l'exportation. Bien sûr, ces compagnies créent de l'emploi, mais trop souvent les employés ne sont pas traités adéquatement (absence de mesure de sécurité sociale, absence de règle de sécurité au travail, non respect des droits,…). De plus, cette incursion américaine dans l'économie hondurienne fait en sorte que cette dernière est soumise aux caprices d'entreprises étrangères. Les autres activités économiques du Honduras consistent en la culture du café, l'industrie vestimentaire (problème des maquiladoras où les conditions de travail sont épouvantables et où il n'y a pas de mesure de sécurité sociale). Enfin, une autre grande activité économique, tenue secrète et tabou, c'est le commerce de la drogue. En effet, le Honduras est la plaque tournante de la drogue (surtout des narcotiques) entre la Colombie et les États-Unis, et plusieurs individus en tirent des fortunes considérables.

Enfin, du point de vue politique, nous pouvons dire que le Honduras est sous un régime démocratique. Actuellement, il est dirigé par Carlos Flores du parti libéral, mais des élections sont à venir dans un avenir très proche. Le peuple hondurien ressent moins ou exprime moins ses frustrations envers le gouvernement que certains autres peuples d'Amérique latine qui ont leurs guérillas ou leur front de libération. Une des raisons c'est que le gouvernement a bien agit lors de l'ouragan Mitch et a aidé les habitants à la reconstruction du pays, aussi lente soit-elle. Toutefois, il ne faut pas passer sous silence qu'il y a de la répression au Honduras et que souvent des personnes qui osent exprimer des opinions contraires à celles du gouvernement disparaissent dans des conditions mystérieuses.


LA VILLE: TEGUCIGALPA

La capitale du Honduras, Tegucigalpa, n'est pas un lieu aussi enchanteur comme le décrivent certains guides de voyage. Bien sûr, cette ville a conservé des monuments au style colonial, mais ce qui m'a particulièrement frappée, c'est la prédominance de la pauvreté. Les sans-abris, les enfants de la rue, les déchets jonchant le sol (tout le monde jette ses détritus dans la rue), les odeurs nauséabondes, les maisons pauvres construites avec "les moyens du bord", les établissements municipaux laissés sans entretien, etc. La Dr Maria Margarita (voir plus loin), avec qui j'ai travaillé, m'a un jour raconté qu'il y a trente ans, Tegucigalpa était une ville très propre et que c'est l'exode rural qui semble expliquer le changement. De plus, le contexte de vie est responsable de l'humeur et du comportement des gens qui semblent beaucoup plus agressifs en ville qu'à la campagne. En effet, on dénombre plus de cas de violence familiale et de troubles d'alcoolisme à la ville qu'à la campagne.

Tegucigalpa est pourvue d'un excellent système de transport en commun (pour un pays en voie de développement). Plusieurs trajets et plusieurs autobus (scolaires) en service permettent aux habitants de se déplacer aux quatre coins de la ville pour 1,50 lempiras (0,15$ CAN) l'aller. De plus, plusieurs compagnies d'autobus offrent des services de transport à travers le pays à des coûts modérés à élevés. Il y a un aéroport international près du centre de la ville dont la piste d'atterrissage est si petite que les compagnies d'aviation envoient leurs meilleurs pilotes pour conduire les passagers en toute sécurité.

La capitale hondurienne a été fortement touchée par l'ouragan Mitch qui a frappé l'Amérique centrale à la fin d'octobre 1998. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur le Honduras durant 6 jours consécutifs ont provoqué la sortie de son lit du Rio Choluteca qui traverse la ville. Des maisons et des édifices ont été rasés, il y a eu des glissements de terrain et des milliers de personnes sont décédées ou ont été portées disparues. D'ailleurs, Tegucigalpa en porte encore les stigmates. À titre d'exemple, il ne reste que les fondations de certains édifices qu'il y avait avant, comme le siège administratif du ministère de l'Éducation. Heureusement, Tegucigalpa et le reste du Honduras continuent leur reconstruction petit à petit.

Tegucigalpa, c'est aussi un endroit où il y a plusieurs marchés à ciel ouvert, où il y a des vendeurs de rue à chaque 10 mètres, des taxis qui klaxonnent sans arrêt, des secteurs riches à côté de secteurs très pauvres (l'écart entre riches et pauvres est beaucoup plus prononcé que dans les pays industrialisés), des édifices historiques, des quartiers à éviter (où je me suis d'ailleurs fait attaquée!), des boutiques typiques à côté de commerces "américains"; bref elle ressemble à la majorité des capitales des pays en voie de développement.


LES LIEUX DE STAGE

Mon expérience au Honduras comporte non pas un mais des lieux de stage très différents les uns des autres. Je décris ci-dessous ceux où j'ai personnellement travaillé durant mon séjour au Honduras. Toutefois, l'explication plus précise des tâches que j'ai accomplis dans ces lieux se situe à la section 5 intitulée " Déroulement du stage ".

Tout d'abord, la société Mer et Monde (cet ONG de Montréal qui nous a permis de venir au Honduras) possède une maison mère à Tegucigalpa, la capitale du Honduras. C'est une famille de Québec (Martin Couture, sa femme Sally et leurs enfants Paul, Symeon et Christophe) qui s'occupe des bénévoles. La maison peut accueillir une bonne quinzaine de personnes et leur fournir un lit et de la nourriture. La vie dans cette maison favorise l'esprit de partage, de communication, bref la vie en communauté.

Martin Couture, le responsable de Mer et Monde au Honduras, travaille d'arrache-pied pour trouver des lieux de stages qui conviennent aux besoins des Honduriens et qui respectent les talents et les limites personnelles de chaque coopérant. L'ONG local avec qui Mer et Monde coopère le plus actuellement se nomme Koinonia. C'est un organisme fondé par des Espagnols et dont le but est d'aider les enfants défavorisés. Ainsi, une de leurs plus grandes préoccupations est de fournir un lieu à prix modique (2 lempiras donc 0,20$ par jour) où les enfants peuvent s'amuser et apprendre et surtout être en sécurité durant la journée. En effet, comme les femmes se retrouvent souvent seules pour subvenir aux besoins de leur famille, elles doivent laisser leurs enfants seuls à la maison ou dans la rue lorsqu'elles vont travailler. Il est évident que cette situation est une cause de mortalité et de morbidité infantile. Il existe donc cinq " hogar " (garderies) dirigées par Koinonia. Un minimum de trois femmes (une éducatrice, une " gardienne " et une cuisinière) travaillent par garderie et reçoivent un salaire payé par Koinonia. Les enfants ont droit à deux repas par jour (déjeuner et dîner) spécialement conçus pour leur donner les éléments nutritifs faisant fréquemment défaut dans leurs repas familiaux. De plus, la Dr Maria Margarita (voir ci-dessous) offre de son temps à Koinonia pour s'occuper de la santé des enfants des garderies. Ainsi, après ses consultations de l'avant-midi (sans pause!), elle se rend dans une des cinq garderies de Koinonia pour soigner les enfants malades et assurer un suivi nutritionnel. Elle apporte également des médicaments avec elle afin de soigner les enfants sur place.

Un autre endroit où j'ai passé beaucoup de temps, c'est à la clinique de la Dr Maria Margarita. C'est une petite clinique située dans un quartier très défavorisé de Tegucigalpa. Elle consiste en un local de consultation équipé de matériel de base (bureau, lit d'examen, …), une salle où sont entreposés les médicaments, et une " réception " où Iris, l'assistante de la Dr Margarita, accueille les patients. Les ressources nécessaires au fonctionnement de la clinique, y compris les médicaments utilisés, proviennent d'une fondation espagnole. Dans cette clinique, une consultation coûte 20 Lempiras par patient (2$ canadiens) et les médicaments sont gratuits. Par contre, il n'y a évidemment aucun appareil diagnostique (ex. radiographie), et seulement les traitements de base sont disponibles (ex. AINS, anti-hypertenseur,…). De plus, la Dr Margarita accepte tous les patients peu importe leur situation socio-économique (femmes monoparentales, enfants de la rue, alcooliques, …).

Cette clinique n'est pas la seule où j'ai œuvré. Je suis également allée travailler dans le centre de santé du Dr Luis Velilla (gynécologue-obstétricien) et sa femme, le Dr Merche Velilla (omnipraticienne). Ce couple de médecins espagnols offrent des consultations à prix modique dans un quartier pauvre de Tegucigalpa. Ce qui fait leur force c'est bien sûr leur dévouement, leur générosité ainsi que leur expérience dans le domaine humanitaire, mais également que le Dr Luis V. possède un appareil d'échographie. Bien que ce dernier ne soit pas du tout récent, il est d'une utilité remarquable pour le suivi des grossesses, car de nombreuses patientes ne possèdent pas un revenu assez élevé pour faire suivre leur grossesse dans les centres de santé mieux équipés. L'échographie sert également à évaluer la cavité abdominale des patients lorsque ces médecins suspectent une tumeur ou d'autres pathologies abdominales. Cette clinique fonctionne grâce à une fondation espagnole. D'autre part, ce couple de médecins opère une clinique dans le village de Lepaterique situé à 1h30 de voiture de Tegucigalpa. Le Dr Luis Velilla s'y rend deux fois par semaine et apporte son appareil pour échographie. Il y exerce le même genre de consultations que dans sa clinique à Tegucigalpa, quoique les problèmes de santé soient un peu différents (beaucoup de dénutrition, grossesses à risque plus élevé). La famille Velilla projette d'ailleurs de construire un hôpital dans ce village et d'y habiter en permanence d'ici la prochaine année, car de nombreux paysans aux alentours ne reçoivent pas les soins de santé adéquats.

J'aimerais ajouter que ce couple a exercé la médecine dans plusieurs pays en voie de développement tels que le Guatemala, le Rwanda (ils ont dû s'exiler lors du génocide en 1994) et la Tanzanie. Le fait de les côtoyer et d'écouter leur histoire a donc été très enrichissant, non seulement au plan technique de la médecine, mais surtout au sujet des réalités socio-sanitaires des autres pays en voie de développement et particulièrement du Honduras. Par exemple, ils nous ont sensibilisés au problème de la stérilisation des femmes sans leur consentement, aux médecins qui pratiquent des interventions inutiles (ex : chirurgie alors qu'un traitement médical est possible) et de qualité médiocre seulement pour augmenter leurs profits.

Enfin, j'ai passé trois jours dans un centre pour personnes atteintes du SIDA : la Casa Zulema. C'est une maison destinée à accueillir gratuitement des adultes et des enfants atteints du SIDA qui sont issus de milieux de vie difficile (pauvreté, abandon, la rue, …). Située dans une forêt à une heure de Tegucigalpa, elle a été fondée par une communauté catholique espagnole, et c'est le Père Ramon Martinez qui s'en occupe et qui y habite. Une infirmière, une cuisinière, une aide et deux éducatrices (une pour les enfants et une pour les adultes) viennent aider chaque jour de la semaine. À cela s'ajoutent des bénévoles qui viennent temporairement (comme moi) ou d'autres qui s'offrent de façon plus régulière (ex. 1 fois par semaine). Le problème c'est qu'il n'y a pas de médecin qui visite régulièrement les patients, et que les soirs de semaine et les fins de semaine, il n'y a que le père Martinez pour rester à la maison (sauf les soirs de semaine où l'infirmière reste). Une quinzaine de patients habitent la maison. Par exemple, lors de mon séjour là-bas, il y avait 7 adultes (un homme et 6 femmes) et trois fillettes.


SITUATION SANITAIRE DE LA POPULATION HONDURIENNE

INDICATEURS DÉMOGRAPHIQUES

INDICATEURS NOMBRE %
Population totale 5 901 239
Hommes 2 955 204 50.1
Femmes 2 946 035 49.9
Population de moins de 1 an 188 393 3.2
Population de 1 à 4 ans 700 195 11.9
Population de moins de 5 ans 888 588 15.1
Population de 5 à 14 ans 1 577 945 26.7
Population de moins de 15 ans 2 466 529 41.8
Population de 15 à 49 ans 2 850 543 48.3
Hommes 1 418 834 24.04
Femmes 1 431 709 24.26
Population de 50 à 64 ans 382 065 6.5
Population d 65 ans et plus 202 099 3.4


INDICATEURS
Espérance de vie à la naissance 69.25 ans
Hommes 66.75 ans
Femmes 71.78 ans
Taux global de fécondité 4.11 %
Pourcentage de population urbaine 47.3 %
Pourcentage de population rurale 52.7 %
Naissances estimées 188 029
Taux brut de natalité (par 1000 habitants) 31.86
Taux brut de mortalité (par 1000 habitants) 5.50
Décès estimés 32 441
Taux de dépendance par 100 habitants (0-14) + (65+) 82.6
Migration nette par 100 habitants -8.6
Densité de population 52.46
Extension territoriale 112,492 km2


INDICATEURS DE RESSOURCES

INFRASTRUCTURES PHYSIQUES NOMBRE
HÔPITAUX
Secrétariat de la santé 28
I.H.S.S. 3
Privés 56
CENTRES DE SOINS AMBULATOIRES
Cliniques materno-infantile 16
Centre de santé avec médecin (CESAMO) 231
Centre de santé rural (CESAR) 861
Maison communautaire de soins de grossesse 9
Hébergement maternel 4

RESSOURCES HUMAINES NOMBRE TAUX PAR
10 000 HAB.
Médecins spécialistes 805 1.4
Médecins généralistes 702 1.2
Infirmières professionnelles 702 1.2
Infirmières auxiliaires 4 993 8.7
Odontologues 127 0.2
Sages-femmes 5 657 9.8

RESSOURCES FINANCIÈRES LEMPIRAS* %
Budget national 2 541 914 143
Fonds nationaux 1 595 271 398 62.76
Fonds externes 946 642 745 37.24
Fonds récupérés 9 200 000

* 1 dollar canadien = 10 lempiras


INDICATEURS D'ACCÈS ET DE COUVERTURE

INDICATEURS
Pourcentage de la population ayant accès aux services de santé 82 %
Nombre de lits disponibles 6296
Nombre de lits disponibles par 10 000 habitants 10,66
Pourcentage de la population urbaine avec eau potable courante à domicile 77%
Pourcentage de la population urbaine avec un accès raisonnable à l'eau potable 91%
Pourcentage de la population rurale avec eau potable courante à domicile 66%
Pourcentage de la population rurale avec un accès raisonnable à l'eau potable 71%
Pourcentage de demeures urbaines avec un service sanitaire adéquat 82%
Pourcentage de demeures rurales avec un service sanitaire adéquat 71%


Couverture de vaccination chez les moins de 5 ans %
Sabin 97,8
DCT(diphtérie, coqueluche, tétanos) 96,8
Rougeole 87,5
BCG (anti-tuberculeux) 96,3
Toxine tétanique ( femmes en âge de fertilité, en 2 doses) 100


CONSULTATIONS AMBULATOIRES NOMBRE %
Nombre total de consultations 6 253 700
Première consultation 2 906 362 46,5
Consultation pour un enfant de moins de 5 ans 2 008 171 53,5
Première consultation d'un enfant de moins de 5 ans 890 459 30,6
ADMISSIONS HOSPITALIÈRES NOMBRE %
Nombre total d'admissions 201 606
Hommes 56 852 28,3
Femmes 144 610 71,7
Admissions en relation avec grossesse, accouchement 94 515 46,9


INDICATEURS DE MORBIDITÉ ET FACTEURS DE RISQUE

CAUSES NOMBRE TAUX (Par 100 000
habitants)
MALADIES INFECTIEUSES
Cas d'infections respiratoires aiguës 1 025 284 17 817
Cas de diarrhée 288 853 4895
Cas enregistrés de choléra 127 2,2
MALADIES À PRÉVENTION IMMUNITAIRE
Cas confirmés de poliomyélite 0 0
Cas de rougeole chez les moins de 5 ans 0 0
Cas de diphtérie chez les moins de 5 ans 1 0,11
Cas de coqueluche chez les moins de 5 ans 42 4,7
Cas de tétanos néonatal 6 3,1
Cas de méningite tuberculeuse chez les moins de 5 ans 6 0,24
MALADIES DE TRANSMISSION VECTORIELLE
Cas total de dengue 28 448 482,1
Cas de dengue hémorragique 33 0,56
Cas de dengue classique 28 415 481,5
Cas de leishmaniase 1454 24,6
Cas de Chagas 180 3,1
Cas de malaria 45 993 779,4
AUTRES MALADIES
Cas de syphilis (acquise) 868 14,7
Cas de tuberculose(toutes les formes) 3592 60,6
Cas de SIDA 1377 23,33
Prévalence du VIH 13 252 224,6
MALADIES CHRONIQUES
Cas de maladies cardio-vasculaires 11 075 187,7
Cas de cancer 3989 67,6
Cas de diabète 2566 43,5
Cas de problèmes mentaux 6787 115
Cas d'anémie 3827 64,9


INDICATEURS DE MORTALITÉ

INDICATEUR NOMBRE TAUX
Mortalité infantil (pour 1000 naissances) 42.0
Néonatal 19
Postnéonatal 17
Mortalité de 1-4 ans (pour 1000 habitants) 13
Décès dû à la rougeole chez les moins de 5 ans 0 0
Décès dû à la poliomyélite chez les moins de 5 ans 0 0
Décès dû à la coqueluche chez les moins de 5 ans 3 0.3
Décès dû au tétanos néonatal 4 0.2
Décès dû à la diphtérie chez les moins de 5 ans 0 0
Décès dû à la méningite tuberculose (moins de 15 ans) 3 0.12
Sous-registre de mortalité (%) 47
Décès dû à la tuberculose 134 2.3
Décès dû au SIDA 236 3.9
Décès dû à l'hypertension artérielle 99 1.7
Décès dû à des tumeurs malignes 249 4.2
Décès dû à la choléra 1 0.02
Décès dû à la dengue 5 0.08
Décès dû aux maladies cardiovasculaires 986 16.7
Décès dû au diabète 151 2.6
Décès dû à des accidents 569 9.6

PRINCIPALES CAUSES DE MORTALITÉ INFANTILE

Cause de mortalité Pourcentage
Infection respiratoire aiguë 23.5
Trauma à la naissance/asphyxie 16.5
Prématuré/ faible poids 16.1
Septicémie 9.1
Anomalies congénitales 8.7

MORTALITÉ INFANTILE HOSPITALIÈRE SELON LA CAUSE DE BASE

Cause de mortalité Nombre %
Syndrome de difficulté respiratoire 207 12.9
Diarrhée et gastroentérite d'origine infectieuse 116 7.3
Septicémie 113 7.1
Pneumonie 67 4.2
Malformation congénitale du coeur 66 4.1
Autres causes 1 030 64.40
Le total des décès 1 599 100.00

PRINCIPALES CAUSES DE MORTALITÉ CHEZ LES MOINS DE 5 ANS

Cause de mortalité Pourcentage
Infection respiratoire aiguë 65.1
Diarrhée et déshydratation 60.1
Trauma de naissance/asphyxie 32.4
Prématuré/ faible poids 26.7
Autres causes 50.2

PRINCIPALES CAUSES DE MORTALITÉ HOSPITALIÈRE CHEZ LES MOINS DE 5 ANS SELON LA CAUSE DE BASE

Cause de mortalité Nombre %
Syndrome de difficulté respiratoire 207 10.53
Diarrhée et gastroentérite d'origine infectieuse 156 7.9
Septicémie 113 5.8
Pneumonie 108 5.5
Autres causes 1 381 70.27
Le total des décès 1 965 100.00

MORTALITÉ DES FEMMES EN ÂGE DE REPRODUCTION ET MORTALITÉ MATERNELLE

Cause de mortalité 1990 1997
Hémorragie 72.5 47.1
Trouble hypertensif 27.3 19.4
Infection 45.8 15.2
Distocia (??) 9.3 1.0
Décès indirects 27.3 17.8
Décès non reliés 38.9 35.6

DÉROULEMENT DU STAGE

Afin de faciliter la compréhension du déroulement de mon stage, j'ai cru bon de présenter l'horaire de mes activités sous forme d'un calendrier. Les cases vides représentent les journées de repos où nous étions libres de choisir nos activités. Vous pouvez donc constater que notre stage se déroulait en grande majorité durant la semaine. La description des activités se trouvent à la suite du calendrier.

Le choix des tâches à accomplir se faisait en groupe. Martin, la personne responsable de Mer et Monde au Honduras, nous indiquait les besoins des gens et nous discutions des goûts de chacun pour déterminer qui irait où. Certains préféraient accomplir la même tâche le plus souvent possible, alors que d'autres voulaient apporter leur aide à des endroits différents afin de connaître diverses dimensions de la situation socio-sanitaire hondurienne.

Une précision que je désire apporter c'est que même si nous étions dix à vivre cette expérience au Honduras, nous étions toujours divisés en sous-groupes de deux à trois pour effectuer nos tâches. Il aurait été impossible d'évoluer à dix dans le même environnement, car cela aurait nuit à la création de liens avec les gens. Ainsi, lors du choix des projets, nous tenions toujours compte de ce nombre limite de personnes par activité.


MAI

8 Arrivée à Tegucigalpa
9 Formation avec Dr Maria Margarita
10 Visite des garderies et suite de la formation
11 Réunion avec Koinonia (ONG local)
12 -13 - 14 Travail dans une garderie de quartier défavorisé
15 Travail dans une garderie de quartier défavorisé
16 Village de Pueblo Nuevo (du 16 au 20 mai)
17 Pueblo Nuevo Visite de plantations

Participation à une réunion communautaire au sujet d' un système d'eau potable
18 Pueblo Nuevo
Participation à une formation donnée aux villa-geoises au sujet des parasites intestinaux
Aide à la Dr Maria Margarita dans ses consultations
19 - 20 - 21 Pueblo Nuevo Participation à la confection de pain dans la boulangerie du village
Poids, taille,courbes de croissance des enfants dans une garderie
22 Casa Zulema
23 Casa Zulema
24 Casa Zulema
25 Nicaragua
26 Nicaragua
27 Nicaragua
28 Nicaragua
29 Travail dans la clinique de la Dr Margarita
Visite médicale dans une garderie avec la Dr Margarita
30 Travail dans la clinique des Dr Luis et Merche Velilla
31Remise à l'ordre de la pharmacie de la Dr Maria Margarita


JUIN

1 Poids, taille, courbes de croissance des enfants dans une garderie
2 - 3 - 4 Travail à la clinique de la Dr Maria Margarita
5 Maladie
6 Shampooing contre les poux et médication antiparasite à tous les enfants d'une garderie
7 Travail à la clinique de la Dr Maria Margarita
8 Déplacement jusqu'à Olanchito (zone très endémique de malaria) pour rencontre avec les médecins de l'hôpital de Coyoles (compagnie Dole)
9 Visite de l'hôpital de Coyoles
Formation sur la malaria
Visite (en partie censurée) des installations de la compagnie Dole
10 Visite nord Hon-duras
11 -12 - 13 - 14 - 15 Visite du nord du Honduras
Visite des ruines mayas de Copan
16 - 17 -18 Shampooing contre les poux et médication antiparasite à tous les enfants d'une garderie
19 Travail dans l'autre clinique des médecins espagnols (village Lepaterique)
20 Remise à l'ordre de la pharmacie de la Dr Maria Margarita
21 Travail à la clinique de la Dr Margarita
Accompagne-ment de la Dr Margarita à Agape (centre pour enfants de la rue) pour premiers soins
22 -23 -24 Retour sur le séjour avec le groupe et Martin (le responsable de Mer et Monde au Honduras)

25 Retour à Québec

BRÈVE DESCRIPTION DE MES TÂCHES PERSONNELLES :

1- Travail dans une garderie

Dans le " hogar " El Sembrador, j'ai aidé les femmes dans leurs tâches quotidiennes : nourrir les enfants, jouer avec eux, aider à l'étude et aux devoirs des plus vieux et participer à l'hygiène (le mardi, c'est le bain pour tous les enfants et ils changent leurs vêtements sales pour des propres). Dans l'après-midi, j'ai aidé la Dr Maria Margarita à examiner les enfants malades et à les soigner.


2- Courbes de croissance

Pour aider la Dr Maria Margarita, j'ai pesé et mesuré la soixantaine d'enfants du hogar El Sembrador. J'ai écrit les résultats sur des graphiques de courbes de croissance pour faciliter le suivi de l'état nutritionnel des enfants. Ce n'est certainement pas une surprise que je vous dise que la dénutrition est un fléau au Honduras.


3- Casa Zulema

J'y suis allée en compagnie d'Élise Faucher. Nous avons pris part à la vie quotidienne des gens. Par exemple, nous avons aidé aux tâches ménagères, nous avons joué avec les enfants, discuté longuement avec les adultes (point tournant de mon voyage, voir section 7, " Contacts les plus enrichissants ") et aidé aux soins des patients.


4- Clinique de la Dr Maria Margarita

Mon rôle était de voir les patients avant qu'ils rencontrent la Dr Maria Margarita. Ainsi, je mesurais le poids et la température de tous les patients en plus de prendre la pression artérielle des adultes. Lorsqu'il y avait des injections à effectuer, c'est moi qui les faisais sous la supervision de la docteur. De plus, je préparais les sachets de médicaments à donner aux patients. Et lorsqu'il y avait des temps libres, je mettais de l'ordre dans la pharmacie en jetant les médicaments périmés et en classant les autres.

Dans l'après-midi, je suivais la Dr Maria Margarita dans la garderie où elle allait examiner les enfants et je l'aidais dans ses tâches. Par contre le jeudi, elle allait soigner les jeunes de la rue dans un centre leur étant consacré : Agape. C'est un centre de jour qui offre des services de nourriture et d'hygiène et même du travail rémunéré aux jeunes de la rue. Ce centre favorise également la non consommation de drogue (surtout la colle). Il m'est arrivé une fois d'y aller pour soigner des enfants, mais je regrette de ne pas avoir pu y aller plus souvent.
5- Clinique des Dr Luis et Merche Velilla

J'avoue que cette activité tenait plus du stage que de la coopération et du bénévolat. Malgré cela, je crois que ça a été une importante façon de me sensibiliser à la réalité des Honduriens en matière de santé. Avec la Dr Merche V. (omnipraticienne), je participais à l'examen clinique des patients (auscultation, palpation, prise de la pression artérielle, otoscope,…). Elle prenait le temps de m'expliquer son raisonnement clinique, les pathologies des patients, les maladies les plus fréquentes au Honduras et leurs conséquences physiques et sociales sur les patients. Avec le Dr Luis V. (gynécologue-obstétricien), j'ai été témoin des examens gynécologiques lorsque les patientes se sentaient à l'aise avec moi. J'ai également accompli quelques échographies. Ce médecin a été aussi " formateur " que sa femme.

De plus, je suis allée une fois à leur clinique du village de Lepaterique où j'ai assisté à une première dans cet endroit : une chirurgie (l'ablation d'un fibro-adénome chez une patiente d'une vingtaine d'années). L'opération s'est déroulée dans des conditions précaires, mais avec beaucoup de précautions. J'ai pu constater la pauvreté des ressources des médecins œuvrant dans des pays en voie de développement.

6- Déparasitation

Notre rôle était de se rendre dans une garderie et d'effectuer des shampooings contre les poux à tous les enfants. Ensuite, nous faisions avaler de la Piperazine à tous les enfants en calculant les doses selon leur poids. Ceci était dans le but d'évacuer les parasites intestinaux qui colonisent les tubes digestifs de TOUS les enfants honduriens. Ces deux activités nous ont permis d'approfondir notre relation avec les enfants et d'aborder des thèmes d'hygiène avec eux et les femmes travaillant dans les garderies.


6. RÉSULTATS

Notre premier objectif était d'organiser (formations, modalités du voyage et financement) et participer à un projet d'aide humanitaire. Du côté du financement, je peux dire que notre but a été largement atteint, car nous avons amassé plus que les fonds nécessaires, et nous avons été en mesure d'acheter du matériel médical et de le donner aux intervenants avec qui nous avons coopéré. Du point de vue de la formation, je dois avouer que nous étions bien préparé à vivre dans un contexte de pays en voie développement. Le fait que nous ayons rencontré des personnes aux expertises différentes et complémentaires nous a grandement aidés. Toutefois, je voudrais souligner le fait que dans aucune de nos rencontres nous avons été prévenus que les Honduriens de Tegucigalpa vivaient à ce point des frustrations envers les Nord-américains et que les relations avec eux seraient difficiles. Personnellement, comme plusieurs autres membres du groupe, je croyais que mes relations interpersonnelles avec les Honduriens seraient à l'image de la chaleur humaine qu'on rencontre dans les autres pays d'Amérique centrale ou d'Amérique du Sud. J'avoue que j'ai éprouvé un choc culturel et de la tristesse lorsque je me suis rendue compte qu'il était difficile de lier des amitiés rapidement avec les gens de la capitale, quand j'ai aperçu le graffiti "Fuera Gringos" (Dehors Étrangers), que je me suis fait tirer des roches et qu'une de mes amies s'est fait cracher dessus. Mais au cours des semaines, nous avons eu la chance de connaître plus de personnes en profondeur et de nous lier d'amitié avec elles. En plus de nous permettre une immersion hondurienne plus intense, cela nous a permis de comprendre pourquoi les Honduriens (surtout ceux de la capitale) éprouvent des sentiments négatifs envers les Américains (ils ne font pas la différence entre Canadiens, Européens et Américains).

Notre second objectif consistait à s'ouvrir sur le monde, s'adapter à une culture et partager les valeurs des Honduriens grâce aux liens tissés avec la famille et la communauté. Cet objectif est d'ordre très personnel, car nous avons tous vécu notre expérience de manière différente. Dans mon cas, je considère que mon ouverture sur le monde est un élément que j'avais acquis depuis quelques d'années déjà (voir introduction). Toutefois, l'adaptation à la culture hondurienne n'a pas été chose facile pour plusieurs raisons. D'abord, il y a le phénomène de "racisme" envers les Nord-américains que je viens à peine de décrire. De plus, je crois que mon expérience précédante de vie dans un pays en voie de développement m'a nuit en certains points. Bien sûr, je n'ai pas eu de problème à m'adapter aux conditions de vie et d'hygiène difficiles, car j'avais déjà vécu cette adaptation et que de toute manière je n'ai jamais été une personne dédaigneuse. Par contre, là où j'ai eu de la misère, c'est dans mon attachement à ce pays. Je désirais me sentir impliquée et attachée dès la première ou la deuxième semaine, car je prévoyais ne pas vivre de choc culturel ayant déjà voyagé avant. En plus clair, je voulais me sentir aussi liée au pays et à ses habitants et aussi accomplie que lorsque j'ai quitté l'Afrique ou Cuba, mais ce, dès mes premiers jours au Honduras. Quelle erreur! Surtout que Tegucigalpa, la capitale, est reconnue pour être un milieu particulièrement difficile (violence, pauvreté, enfants de la rue, pollution,…). Voici un extrait de mon journal personnel qui illustre un peu mes dires : "[…] on s'est rendu compte qu'on n'était ici que pour sept semaines, six maintenant, et qu'on n'a pas fait grand chose pour aider, qu'on n'a pas de sentiment d'appartenance ni aux lieux ni aux gens […]. Je sentais que je n'allais pas être fière de moi et que c'est mon voyage en Afrique qui resterait plus présent dans ma mémoire" (mardi 15 mai, jour 8). Avec le recul, je réalise à quel point c'était fou et c'était me mettre beaucoup de pression que de vouloir atteindre un si grand objectif en si peu de temps. Je considère que j'ai eu besoin d'un mois pour m'attacher et me sentir réellement impliquée, et en discutant avec mes amis et d'autres coopérants, j'ai réalisé que ce délai d'un mois pour s'adapter était une règle quasi générale. Je me suis également aperçue que j'étais encore plus fière de moi d'avoir réussi à m'attacher à cet endroit rude que si la tâche avait été plus facile.

Le troisième objectif était de se sensibiliser aux réalités socio-économiques du pays et aux conséquences de nombreux désastres naturels. À Tegucigalpa, il est impossible de ne pas prendre conscience des effets dévastateurs de l'ouragan Mitch. Nous avions discuté de cette catastrophe naturelle lors de nos formations, mais c'est vraiment là-bas que j'ai saisi l'ampleur du phénomène. Même trois ans plus tard, le pays porte encore les stigmates de Mitch. Le Honduras manque de fonds pour la reconstruction des infrastructures et le support aux sinistrés. Il y a donc plusieurs ponts, maisons et autres infrastructures laissées à l'abandon, les déchets s'accumulent partout dans la ville et beaucoup de personnes sont laissées seules à elles-mêmes dans la pauvreté. Une autre réalité socio-économique majeure au Honduras c'est l'exode rural. Les gens quittent les campagnes par centaines et viennent s'installer à Tegucigalpa. Le problème c'est que l'espace manque tout comme les systèmes d'hygiène (aqueduc, …) Les gens s'installent un peu n'importe où et se construisent des petites maisons avec du matériel trouvé un peu partout. Les maisons sont peu sécuritaires, les déchets s'accumulent et les maladies prolifèrent. Enfin, une caractéristique frappante du Honduras c'est l'absence des hommes dans la vie familiale, ces derniers étant partis de la maison pour travailler ailleurs (autres villes ou pays, beaucoup d'émigration clandestine aux États-Unis). Les femmes sont laissées seules pour faire vivre leur famille ce qui a des répercussions sur la vie des enfants (faible scolarité, maladies, travail, la rue, etc.).

Le quatrième objectif était le suivant: en tant qu'étudiants en médecine, offrir des soins médicaux de base et des conseils d'hygiène et de prévention, tout en se familiarisant avec la réalité médicale d'Amérique Centrale. Il est certain qu'après deux ans d'études théoriques de la médecine, il ne fallait pas s'attendre à effectuer des actes médicaux hors de nos compétences peu développées. Bien sûr, il a été très agréable de prendre la pression artérielle, la température et le poids des patients, de procéder à des examens cliniques et des échographies ou encore d'effectuer des injections intramusculaires, mais ce que j'ai le plus aimé de mon expérience médicale, c'est de développer ma relation avec les patients. J'ai réalisé que j'avais de la facilité à créer un climat de confiance et de communication avec les gens, et que cette aptitude est d'une importance primordiale en médecine. De plus, j'ai pu observer que l'écoute et l'empathie occupent réellement une place magistrale dans le vécu d'une maladie. Par exemple, lorsque j'ai séjourné à la Casa Zulema, cette maison pour personne atteintes du SIDA, j'ai passé la grande majorité de mon temps à écouter les patients me parler de leur vie avant la maladie, de la façon dont ils ont été contaminés, des conséquences que cela impose sur leur quotidien, etc. Ces rencontres m'ont permis de démystifier la maladie et ont permis aux bénéficiaires d'exprimer leur émotions et d'alléger un peu leurs souffrances. De plus, le fait d'entendre parler d'une culture autre que la leur, leur a permis de faire un "voyage" qu'ils n'auraient pas eu la chance de faire. D'un autre côté, le fait de travailler dans des cliniques m'a fait prendre conscience de la rareté des ressources (médecins, médicaments, soins de base), d'une médecine "à deux vitesses", soit celle des riches et celle des pauvres, des maladies le plus fréquentes, les plus dévastatrices,…

Le cinquième objectif se voulait d'apprendre à travailler et à vivre en groupe. J'avoue que cet aspect a été pour moi un défi majeur dans mon séjour. Je suis une personne qui est habituée de faire des projets en groupe et de vivre à plusieurs, mais cette fois-ci l'expérience a été plus difficile. Pourtant, je m'attendais à ce que ce soit plus facile, car nous étions dix bons amis et que nous croyions bien nous connaître. À titre d'exemple, voici une citation tiré de mon journal: " […] la vie en groupe est très difficile. Tu veux plaire à tout la monde sans t'oublier toi-même et ce n'est pas évident. En plus, on n'a pas vraiment d'intimité ici, car on est sept filles dans la même petite chambre. Pour moi c'est donc le groupe qui est mon adaptation, beaucoup plus que le pays" (samedi 12 mai, jour 5). J'ai réalisé que connaître les gens à l'école et de se voir à plusieurs reprises en dehors du contexte scolaire n'implique pas qu'on se connaît assez bien pour vivre ensemble. Certains d'entre nous n'ont pas été capable de cohabiter à plusieurs, leur besoin de solitude leur semblait trop important. J'avoue que j'ai trouvé cela difficile au début, car j'avais l'impression que ces personnes s'isolaient du reste du groupe et de moi. Mais au fur et à mesure que nous avons pu identifier les besoins de chacun, tout s'est amélioré. Une autre difficulté à la vie en groupe a été nos réactions différentes aux conditions de vie et à l'implication que nous voulions mettre. Par exemple, certains ont voulu être les plus productifs possibles et donnaient l'impression de juger ceux qui ne travaillaient pas assez à leur goût ou qui ne travaillaient pas dans des endroits qu'ils jugeaient importants. En tant que groupe, nous avons réussi à discuter ensemble pour corriger ces petits accrochages, et encore une fois tout est rentré dans l'ordre. En résumé, il est évident que vivre sept jours sur sept avec les mêmes personnes dans des conditions de vie exigeantes, voilà des critères parfaits pour que des tensions surviennent. Je considère que la clé du succès réside dans la communication et le respect des besoins et de la personnalité de chacun.

Le dernier objectif, celui de développer davantage des valeurs telles que l'ouverture d'esprit, le respect, la solidarité et l'autonomie, recoupe un peu ceux mentionnés précédemment. Je crois, en décrivant les résultats précédents, avoir démontré que j'ai atteint mon but, au prix de plusieurs efforts. Toutefois, je crois que dans de futurs expériences, je serai appelée à continuer à développer ces valeurs, car on n'atteint jamais la perfection.

CONTACTS LES PLUS ENRICHISSANTS

Il est difficile de catégoriser un contact comme ayant été plus enrichissant que d'autres, car chaque rencontre m'a apportée quelque chose. Toutefois, il y a certains contacts qui ont eu un plus grand impact sur ma façon de penser.

Je pense particulièrement à mon séjour à la Casa Zulema. Avant d'y aller, je trouvais que je n'étais pas assez "productive" à mon goût en matière d'aide humanitaire, et cela me causait un sentiment d'échec et d'angoisse. À la Casa Zulema, j'ai réalisé que l'important n'est pas la quantité mais la qualité, et qu'on n'a pas besoin de "produire" des actions concrètes et quantifiables pour aider. Pour illustrer ma pensée, voici un extrait de mon journal: " Notre sentiment d'inutilité découle de notre mentalité nord-américaine, mais il faut penser qu'ici on est au Honduras où la valeur de productivité n'existe pas. On se sent mal d'être à Zulema, et de ne rien accomplir de concret, mais juste le fait d'écouter est bon" (mardi 22 mai, jour 15). Au début je me sentais inutile dans cette maison, car il y avait très peu d'actes médicaux à accomplir, mais j'ai réalisé que là où je pouvais réellement offrir mon aide, c'était dans l'écoute des patients. Ces derniers ont rarement de visite et l'occasion de raconter leur histoire, alors mon écoute leur faisait un bien incroyable. Aussi, ils m'ont raconté à quel point ça leur faisait plaisir que des gens se lient d'amitié avec eux même en sachant qu'ils étaient porteur du VIH/SIDA. Le fait de ne pas avoir peur de leur tenir la main ou de leur donner une accolade leur a donné un sentiment de bien être. À mon retour à Tegucigalpa, mon sentiment d'inutilité s'est évanoui, et j'ai été en mesure de ne pas compter mes actes, mais de prendre le temps avec les gens pour ainsi répondre à leurs besoins réels.

Martin Couture fait également partie des contacts les plus enrichissants qui ont marqué mon séjour au Honduras. Dès notre arrivée, il a mis tous ses efforts pour nous faire découvrir le Honduras sous une perspective qui nous aurait échappée sans lui. Il nous a dirigé de manière à nous faire comprendre par nous-mêmes le pourquoi des mœurs honduriennes. Par exemple, il nous a aidé à saisir pour quelle raison les gens vivaient tant de frustration envers les étrangers, spécialement les Américains (ce qui inclut les Canadiens et les Européens). Il nous a guidés de façon à ce que nous nous imprégnions de cette culture difficile à cibler et que nous nous y attachions, même si le Honduras ne semble pas posséder de culture propre. Vous y trouverez très peu de costumes colorés, d'artisanat typique ou de chants à saveur politique. Ce peuple n'a jamais fait sa révolution, et l'américanisation y est importante, mais dans un contexte de grande pauvreté. C'est comme si les gens avaient de la difficulté à s'attacher à leur histoire. Ce qui m'a particulièrement plu chez Martin c'est sa manière de nous " enseigner " sans nous donner "tout cru dans le bec", de nous faire travailler pour découvrir par nous-mêmes et de prendre le temps de discuter avec nous. Je ne dirai jamais comment je trouve cet homme fabuleux : patient, généreux, ouvert d'esprit, accueillant, etc. C'est grâce à lui si nous avons pu profiter de notre séjour au maximum.

RÉFLEXIONS PERSONNELLES


Au Honduras, la première chose qui m'a frappée, sûrement parce que cela touchait à un de mes objectifs principaux, c'est la difficulté à entrer en contact avec les Honduriens, particulièrement les femmes. Ces dernières manquent de confiance en elles, et malheureusement nous perçoivent (les Nord-américains) comme supérieurs à elles. Par exemple, quelques jours après notre arrivée, nous avons assisté à une réunion des femmes des garderies. Elles nous ont demandé quoi faire pour améliorer leur travail alors que nous n'avions aucune expérience dans le domaine et que nous n'avions visité aucune des garderies. Ce manque de confiance en elles a eu pour conséquence de rendre difficile la création de liens d'amitié. Elles étaient gênées de nous aborder, et lorsque nous tentions d'entamer une conversation, elles ne parlaient pas longtemps et esquivaient nos regards. Heureusement, à force de côtoyer ces femmes, nous avons réussi à tisser des liens et à profiter de leur vision de la culture hondurienne.

Du côté des hommes, j'ai senti beaucoup de frustration envers nous. Comme je l'ai mentionné, certains nous ont lancé des roches, nous ont crié des insultes. Cependant, je ne pouvais pas leur en vouloir, moi-même je suis souvent offusquée par la place que prend l'Amérique du Nord dans les pays sous développés et par le pouvoir de décision que les États-Unis imposent partout. J'aurais voulu discuter plus souvent avec eux pour parler du Canada (ils ne dissocient pas le Canada des États-Unis), pour expliquer que ce ne sont pas tous les Nord-américains qui se croient les maîtres du monde. De plus, les hommes avaient fortement tendance à nous siffler ou à nous lancer des paroles à connotation amoureuse ou sexuelle. Je suis assez féministe, et au Canada je refuse catégoriquement de me faire traiter ainsi. Cependant, je crois qu'il faut apprendre à connaître les autres cultures et à les respecter. Je ne veux pas dire que j'ai apprécié me faire siffler, mais j'ai été capable de ne pas choquer ni me chicaner avec les hommes. Après tout, c'est vrai qu'ils n'en voient pas souvent une petite blonde aux yeux bleus dans le coin!

Toutefois, je voudrais apporter la nuance suivante à mes propos, ce ne sont pas tous les gens qui étaient difficiles d'approche au Honduras, loin de là. Par exemple, les villageois de Pueblo Nuevo étaient très chaleureux et accueillants (je pense entre autres à ma " mère " hondurienne Alicia et à sa fille Lucy) par rapport au citadins de Tegucigalpa. De plus, certaines femmes ont démontré leur force de caractère : la Dr Maria Margarita, Angela responsable de Koinonia, l'infirmière et la femme du professeur à Peublo Nuevo, pour ne nommer que celles-là. On remarque que ces femmes étaient instruites, ce qui contribuait définitivement à leur estime de soi.


Un obstacle que j'ai rencontré au Honduras, c'est le fait que l'imprévu soit règle générale. Le tout a commencé dès notre arrivée à Tegucigalpa lorsque Martin nous a informé du déroulement probable de notre stage. À peu près tout était différent de ce que Mer et Monde nous avait promis à Québec. Heureusement, ces changements se sont avérés fort agréables. À cela se sont ajoutés tous les imprévus quotidiens : le matin même j'apprends que je vais travailler ailleurs que ce que je croyais, un autre matin j'attends la Dr Margarita pendant 2h pour l'aider dans sa clinique mais elle ne se pointe pas du tout, un autre jour nous nous rendons à Pueblo Nuevo pour une campagne de vaccination (tous excités!) et nous apprenons que c'était prévu pour la semaine suivante, etc. Que de frustrations cela nous a apportées en plus d'un grand sentiment d'inutilité. Pour ma part, j'ai tôt fait de décider d'arrêter de m'en faire avec ça. Encore une fois, je me suis dit que toutes ses frustrations me venaient de ma mentalité nord-américaine et que j'étais justement venue au Honduras pour m'ouvrir à un autre mode de vie. À partir de ce moment, j'ai décidé d'enlever ma montre, d'arrêter de me faire des horaires et je me suis portée à merveille. Toute activité est devenue agréable et enrichissante peu importe si elle était prévue ou non. Je me suis découvert un véritable goût pour ce mode de vie beaucoup moins stressant, et depuis mon retour à Québec, je travaille fort pour ne pas le perdre.

SUGGESTION ET RECOMMANDATIONS POUR LES FUTURS STAGES


Si j'avais quelque chose à modifier dans ce projet, ce serait la façon dont nous avons fonctionné pour l'organisation. Au lieu d'essayer que tout le monde fasse une partie de chacune des tâches, nous aurions dû séparer les besognes à accomplir selon nos forces individuelles. Par exemple, la recherche de commanditaires a été quelque chose de frustrant pour moi parce que je n'étais pas habituée à demander de l'argent. Je viens d'un milieu familial aisé et mes parents paient mes études, alors je peux économiser l'argent que je gagne en travaillant et l'utiliser pour voyager. Je me sentais donc malhonnête de demander de l'argent alors que je n'en avais pas réellement de besoin. Je l'ai fait pour le groupe, mais d'autres qui en avaient plus de besoin ont été capable de ramener plus de sommes d'argent. Certains ont fait sentir les autres coupables de ne pas être aussi efficaces qu'eux et cela a amené des tensions au sein du groupe. Si nous avions attribué la tâche de chercher des commanditaires à ceux plus à l'aise dans ce domaine, et si nous avions nommé des responsables pour les autres tâches (billets d'avion, trouver des gens pour nos formations, s'occuper des assurances, ..) nous aurions certainement évité des conflits.

Un autre conseil que je trouve important de mentionner c'est au sujet de la durée du séjour. Je crois que sept semaines est trop court pour pouvoir s'impliquer pleinement dans un projet dans un pays en voie de développement. Prenons mon cas par exemple. J'ai voulu tâter plusieurs domaines pour observer plus d'une situation dans la vie hondurienne. Je trouvais bien important de ne pas me limiter à un seul aspect. Toutefois, après quelques semaines et après avoir vu plusieurs endroits, j'aurais aimé choisir un projet où m'impliquer plus amplement. Dans mon cas, c'est auprès des enfants de la rue que j'aurais voulu approfondir mon implication. Malheureusement, le hasard a fait en sorte que ce n'est qu'à la fin du séjour que je suis allée a Agape, ce centre de jour pour enfants de la rue, et que j'ai réalisé à quel point j'aurais voulu explorer cet aspect de la réalité hondurienne et y apporter un peu de ma contribution. D'ailleurs, l'idée de retourner à Tegucigalpa et de m'impliquer plus particulièrement avec ces enfants me trotte dans la tête. Qui sait, un jour peut-être…


EN CONCLUSION, mon expérience au Honduras a été enrichissante et formidable surtout parce qu'elle m'a ouvert l'esprit sur d'autres particularités des pays en voie de développement, mais aussi parce qu'elle m'a demandée un effort d'adaptation considérable. J'ai dû travailler psychologiquement pour réussir à vivre une expérience complète et satisfaisante, et cela a eu des conséquences bénéfiques sur ma vie actuelle de Québécoise dans un milieu aisé. J'aimerais que tout le monde ait la chance de vivre un projet de ce genre et puisse réaliser à quel point l'expérience est bénéfique pour soi, autant si non plus que l'aide que nous offrons. C'est une richesse incroyable que de pouvoir partager notre culture avec d'autres et se laisser imprégner de mœurs différentes des nôtres. Et une fois qu'on a vécu une expérience comme celle-là, on ne peut que se demander : À QUAND LA PROCHAINE FOIS ?

Marie-Ève.