Une expérience d'empowerment pour les femmes

Par Rachel Vincent, directrice au Nicaragua

Par un matin pluvieux, autour d'un café et de quelques viennoiseries, je suis en pleine séance de travail avec Reyna et Shraya, respectivement directrice et responsable en égalité entre les femmes et les hommes de la Fondation San Lucas. Depuis les débuts de Mer et Monde au Nicaragua, la Fondation San Lucas est un allié important et a bénéficié de l'apport de stagiaires individuels, de stagiaires de 50 ans en plus d'avoir mené deux projets Québec sans frontières (QSF).

Alors que nous sommes en train de planifier le projet QSF pour 2018, qui est justement un projet qui touche des thématiques importantes en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, la conversation bifurque sur les projets antérieurs, les communautés, les hommes et les femmes avec qui on a collaboré antérieurement. Parmi ces noms et ces visages, une personne se démarque des autres : Melba Chavarría, une femme originaire de la communauté de Santa Gertrudis qui a participé au volet réciprocité de QSF, c'est-à-dire qu'elle a réalisé un stage de 75 jours au Québec, entre septembre et décembre 2016.

Melba a collaboré aux activités de Miel Montréal, une organisation d'apiculture urbaine. Je souhaite donc en savoir davantage sur les projets d'apiculture qui ont pu voir le jour dans la communauté après son passage à Montréal, sur le suivi qui a été effectué à propos de son séjour et comment elle a communiqué ses apprentissages à ses compatriotes.

REYNA : Il n'y a pas vraiment eu d'événement formel dans la communauté après le retour de Melba, mais celle-ci a été profondément changée par son expérience à Montréal.

RACHEL : Ah oui? Que voulez-vous dire?

SHRAYA : Quand j'ai connu Melba, c'était une femme timide, qui s'exprimait peu et qui vivait dans une structure familiale traditionnelle où l'homme décide de tout et où la femme reste à la maison. Cette dernière n'a jamais pu avoir d'enfant, ce qui a contribué à la marginaliser au sein de la communauté, puisque les femmes en milieu rural, sont principalement valorisées à travers la maternité.

REYNA : Quelle ne fut pas notre surprise à son retour de voir une femme indépendante, sûre d'elle, drôle et qui n'hésitait pas à faire entendre son point de vue.

SHRAYA : Pendant son absence, son mari, Luis, a appris à cuisiner et à faire le ménage. Déjà là, il a fait preuve d'une grande ouverture.

REYNA : Maintenant, Melba et Luis sont un modèle d'égalité dans leur communauté. Melba est conseillère municipale, et Luis prend en charge les tâches domestiques lorsque celle-ci doit sortir pour participer à des réunions.

SHRAYA : Ils gèrent désormais la ferme ensemble, toutes les décisions de la maison sont partagées. Ils négocient des compromis dans leur relation, s'appuient l'un l'autre dans leurs projets respectifs. C'est très rare de voir ce degré d'entente et d'entraide mutuel chez un couple qui a toujours évolué dans un milieu traditionnel et patriarcal.

REYNA : Les autres femmes de la communauté reconnaissent Melba en tant que leader, cherchent son conseil et ont cessé de porter un jugement sur elle parce qu'elle n'a pas pu avoir d'enfants. Elles voient qu'une femme peut avoir un autre rôle au sein d'une communauté et qu'elles aussi ont la capacité d'être mobilisatrices et inspirantes. Peut-être qu'aucun projet d'apiculture n'a vu le jour après son séjour au Canada, mais le contact qu'elle a eu avec une société plus égalitaire lui a fait voir qu'il est possible de se réaliser en tant que femme à travers toutes sortes d'avenues et l'a amené à reconsidérer les possibilités qui s'offraient à elle.

SHRAYA conclue : Ce type d'impact est beaucoup plus important et profond que n'importe quelle prouesse technique et Melba est désormais un moteur de changement pour toutes les femmes de sa communauté et même de la municipalité grâce à son rôle politique.

 

Cette conversation m'a permis de prendre conscience à quel point les dynamiques de développement sont complexes et comment certains changements ne peuvent pas être observés à court terme. À la fin d'un projet, on peut penser que certains résultats ne sont pas atteints, et il est extrêmement difficile de réellement mesurer l'impact que l'on peut avoir. Et c'est alors qu'un an plus tard, on récolte des fruits totalement inattendus! Il faut les savourer, mais surtout, il faut semer les graines de ces fruits pour multiplier la récolte et ainsi, continuer à travailler avec les nouvelles générations.

 


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