Soutenir le développement des enfants à Cielo de amor

Un texte de Josée Archambault, éducatrice spécialisée:

Il y a 10 ans, j’étais volontaire pour la première fois pendant plus de 5 mois au Honduras, dans une école pour les enfants ayant des besoins différents. J’avais 27 ans et cette expérience a changé ma vie! Á mon retour au Québec je suis retournée aux études et je suis maintenant éducatrice spécialisée. L’an dernier, j’ai décidé de renouveler l’expérience, au Nicaragua cette fois. Maintenant, je souhaite échanger mes connaissances et outiller les intervenants ainsi que les parents et les enfants. Je suis au Nicaragua depuis presque 2 mois déjà, le temps passe si vite!

Je vis dans une maison avec 10 membres d’une famille élargie, située dans la petite ville de San Marcos. J’ai été bien accueillie, ce sont des gens curieux qui veulent en apprendre plus sur moi et sur la vie au Québec. La vie à la maison est très différente de la vie familiale au Québec : ici toutes les femmes mettent la main à la pâte pour l’entretien de la maison, la préparation des repas, l’éducation des enfants. Au début, j’ai dû m’imposer pour participer aux tâches domestiques parce que, pour eux, je suis une invitée et les invités ne font pas de ménage. Ma famille se soucie beaucoup de mon bien-être, que ce soit au niveau physique, psychologique ou social, d’autant plus que je suis une femme. J’ai des règles de vie et de sécurité à respecter et ce, même si j’ai le même âge que « ma mère nicaraguayenne ». Par moment je me sens un peu restreinte par ces règles, mais je me dis qu’il y a une raison pour que ces limites me soient imposées. Après tout ma famille connait mieux les situations à risque que moi. Avec le temps, tout le monde apprend à se connaitre et on s’adapte!

Je me rends chaque jour au travail en microbus, le transport en commun bien efficace et très achalandé. Je travaille à Cielo de Amor, une organisation qui s’implique auprès d’enfants et jeunes adultes qui présentent un handicap physique et/ou une déficience intellectuelle. Il y a aussi un atelier pour l’attribution et la réparation de fauteuil roulant. D’ailleurs, lors de ma première semaine, nous travaillions en collaboration avec une compagnie américaine pour l’attribution de nouveaux fauteuils roulants, j’ai été surprise de voir à quel point les parents étaient reconnaissants pour le don de ces équipements et je n’oublierai jamais une maman en particulier qui recevait pour la première fois un fauteuil roulant pour son jeune garçon et qui a fondu en larmes en remerciant toute l’équipe parce que leur vie allait grandement s’améliorer à partir de maintenant.

À l’école, le travail fait par les 4 professeurs est incroyable. Ils arrivent à stimuler les différentes sphères de développement des enfants afin de les rendre les plus fonctionnels et autonomes possibles dans le quotidien et ce, avec le minimum de matériel. Il y a donc les apprentissages académiques, mais aussi des activités de la vie quotidienne telles que s’habiller, laver la table, laver une serviette, manipuler des objets, marcher, etc.

À l’atelier, avec les jeunes adultes ayant une déficience intellectuelle, nous cuisinons des pâtisseries que nous allons vendre ensuite sur la rue, ils confectionnent des sacs à mains à partir des sacs de plastique recyclés ainsi que des cartes pour différentes occasions. Il y a aussi des stages en milieu de travail pour certains jeunes qui en ont le potentiel. Ce volet était un défi pour moi au départ puisque je n’ai jamais travaillé avec cette clientèle et la liste des choses à faire était longue…. Mais une fois sur place je me suis vite rendu compte que l’image que je m’étais faite était une « image québécoise » donc elle ne reflétait pas du tout la réalité d’ici. A partir de ce moment, mes appréhensions initiales ont diminué et je me suis sentie à l’aise dans ce milieu et avec les jeunes. Ensuite, avec un minimum d’observation j’ai su comment je pouvais supporter l’enseignante et avec de l’initiative j’ai proposé des stratégies pour organiser l’environnement de travail, adapter les recettes, fournir une structure à un jeune qui en avait besoin.

Les professeur(e)s et moi travaillons en équipe et nous pouvons déjà observer des résultats. Ils sont ouverts pour discuter, écouter et essayer de nouvelles stratégies. Je ne leur impose rien, nous échangeons d’abord sur mes observations, mes propositions, leur vision parce que je veux améliorer la qualité et l’efficacité de leurs interventions et non satisfaire MON besoin ou reproduire les façons de faire du Québec qui peuvent être totalement inappropriées ici… Les clés du succès sont entre autres, l’ouverture d’esprit et la capacité d’adaptation!

La culture nicaraguayenne est nettement différente de la nôtre, donc les services, les attentes et exigences envers les personnes ayant un handicap ainsi que leur intégration dans la société le sont également. J’ai parfois été sous le choc de certaines situations, mais cela m’a permis de comprendre les enjeux et les défis que je rencontre parfois avec certaines familles immigrantes dans mon travail au Québec. Cielo de Amor offre l’opportunité aux personnes handicapées et leurs familles d’avoir une meilleure qualité de vie, une meilleure estime d’elles-mêmes et ainsi de participer activement à la vie de famille et de société. Quel mandat incroyable! Malgré leur handicap ces personnes peuvent s’impliquer, à la hauteur de leurs capacités, et faire une différence! Pour moi, le plus important est d’offrir mon support en partant de LEURS besoins et culture et pas seulement en fonction de mon analyse de « nord-américaine ». Je m’implique dans un tel projet pour la deuxième fois et pour la deuxième fois, je repartirai le cœur gros pour ceux que je quitterai ici mais avec tellement d’expériences inoubliables qui changeront ma vie pour toujours!


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