Repousser ses limites et agrandir son jardin

Témoignage d'Éric Bernard, étudiant en travail social de l'Université Laval qui a réalisé un stage au sein du Centre Yaakaaru Guneyi, à Dakar:

Être aussi loin de chez soi pour apprendre autant sur soi; c’est l’un des legs que je rapporte du Sénégal. Dans un contexte où on ne dispose pas de nos points de repères, l’introspection est de mise pour permettre l’adaptation. C’est l’étranger qui doit s’adapter à sa communauté d’accueil et non l’inverse. Ce cheminement s’apparente, à mon avis, à ce que peuvent vivre les immigrants qui s’établissent dans un nouveau pays d’accueil. En tant que futur travailleur social intéressé par le travail avec ces nouveaux citoyens canadiens, j’ai voulu, par cette expérience, vivre une partie du processus d’immigration. J’estime avoir traversé une gamme d’émotions qui me permettront de me syntoniser plus facilement avec cette clientèle. Par le biais de cette expérience, je rapporte avec moi une connaissance plus approfondie de la religion musulmane, religion qui prône le respect et la tolérance. Il m’apparaît pertinent, avec les préjugés et le racisme grandissants au Québec envers les musulman(e)s, d’apprendre à mieux connaître et défendre les gens qui pratiquent cette religion.

À ces apprentissages s’ajoute l’expérience acquise au Centre Yaakaaru Guneyi dans le cadre de la réalisation d’un projet d’organisation communautaire qui vise à venir en aide aux enfants qui vivent dans la rue. Cette réalité représente un véritable problème social dans les rues de Dakar. Pour atténuer l’ampleur de ce phénomène, avec la précieuse collaboration des membres de l’équipe du Centre Yaakaaru Guneyi, nous avons semé les graines d’un projet qui vise à impliquer les enfants dans les actions qui peuvent contribuer à leur venir en aide. En implantant des foyers refuges dans certaines familles présentes dans la communauté de Médina Gounass, nous avons mis en place des lieux où les enfants peuvent aller demander de l’aide s’ils sont perdus, exploités, violentés, etc. Ces lieux sont identifiés par un symbole qui fut diffusé auprès des enfants de la communauté, des délégués de quartier, des imams et des badjanou gorth (marraines de quartier). Désormais, les enfants de ce quartier disposent d’un outil leur permettant de mieux surmonter les difficultés. Se faisant, j’ai été en mesure d’observer la solidarité qui permet à cette communauté de surmonter les épreuves quotidiennes, la gaieté qui caractérise ces habitants et la quiétude immuable dans laquelle ils baignent malgré les difficultés.

À ceux qui craignent de vivre une telle expérience, je dirais ceci : la peur agit comme une clôture qui ceinture le jardin dans lequel vous êtes prisonnier. En surmontant vos peurs, vous agrandissez votre jardin en repoussant votre clôture. Conséquemment, vous vous sentez plus libre. À vous de choisir si vous voulez vivre dans un petit ou un grand jardin…


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