Le défi de comprendre sans juger

Un texte de Joanie Girard et Adrina-Jaëlle Duclos, stagiaires en travail social

Voyager nous permet de voir des beaux paysages, mais vivre avec des personnes d’une autre culture nous permet de découvrir les richesses de l’être humain. Nous avons eu la chance de découvrir cette richesse par l’entremise d’un stage au Sénégal dans notre domaine, le travail social. L’expérience nous a fait grandir autant au niveau personnel que professionnel, et ce, grâce à nos familles d’accueil et notre milieu de stage de Guédiawaye, en banlieue de Dakar.

Un élément qui a facilité notre intégration au Sénégal est la présence de l’équipe Mer et Monde sur le terrain. Nous avons eu la chance d’être accompagnées par une équipe qui comprend bien les défis et la réalité des stagiaires. Comme les membres de l’équipe sont Sénégalais(e)s, ils savent nous guider dans la culture et les coutumes des différents milieux. Les discussions durant les journées Mer et Monde ont été des moments de regroupement, des espaces d’échanges et de réflexions sur notre passage ici.

Au sein de nos familles d’accueil, nous avons rencontré des personnes généreuses, de résilientes et d’une grande hospitalité. Par le partage, peu importe les moyens qu’ils-elles avaient, ces gens nous ont permis de mieux comprendre et d’intégrer les valeurs de la teranga. Au début de notre séjour, nous étions vues comme des invitées, mais au travers les activités quotidiennes vécues avec la famille, nous en sommes devenues des membres. La barrière de la langue et les interprétations différentes ont été parfois source de mécompréhension ou de conflits, mais cela encourage chacun(e) à s’ouvrir à l’autre.

Concernant le stage, nous étions au Centre Yaakaaru Guneyi. Étant intégrées dans une équipe d’intervenant(e)s sociaux, nous avons beaucoup appris professionnellement en faisant les suivis familiaux, les médiations familiales, les entretiens individuels, l’animation d’ateliers et les activités de sensibilisation. À travers ces activités, nous avons observé que nos références ne sont pas les mêmes et souvent nos interprétations diffèrent. Nous avons choisi de travailler avec la base de l’intervention, soit les interactions et le vivre avec. Ce respect et cette ouverture mutuelle a permis de créer des relations et de poursuivre le cheminement entamé.

Un des projets réalisés illustrant cet apprentissage est un projet communautaire fait avec les familles vulnérables des enfants du Centre. Suite à des observations et des entretiens, nous avons fait la proposition de regrouper les mères et les tutrices des enfants afin qu’elles puissent discuter de leurs situations et de leurs conditions de vie. Notre objectif principal était de créer un espace d’échange entre les femmes. Suite à l’atelier, elles ont ainsi décidé de se mobiliser pour trouver les moyens de faire des activités génératrices de revenus. L’espace d’échange qui leur a été offert démontre qu’elles ont elles-mêmes les solutions.

Dans notre milieu de stage, nous avons été exposées à une nouvelle clientèle, soit les enfants talibés. Les maîtres coraniques de ces enfants, les marabouts, leur demandent de mendier dans la rue pour rapporter de l’argent. Le Centre accueille les enfants talibés qui sont perdus ou ceux qui ont fugués de leur daara. À première vue, cette réalité peut être déstabilisante étant donné les pratiques culturelles différentes, mais au travers l’appui offert par l’équipe du Centre, il nous a été possible de comprendre leur situation sans jugement. Le meilleur intérêt de l’enfant et le respect de ses droits se fait ainsi à travers un accompagnement réunissant le jeune, sa famille et le marabout.

Pour nous, la coopération internationale ne représente pas l’aide que nous pouvons apporter à l’autre. C’est plutôt un échange de savoirs et une ouverture à l’autre. Une leçon de vie qui nous restera certainement c’est de se rappeler que notre vision représente seulement une partie de la réalité. La complexité des situations nous oblige à continuellement remettre en question ce que l’on voit ou ce que l’on croit.

Nous pouvons affirmer que nous quittons ce pays en ayant toujours des questions en suspens, des interprétations sans réponses, des ressentiments invalidés, mais au final ce qui demeure ce sont les apprentissages réalisés et les réflexions qu’on en retire.


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