"On est ensemble"

Témoignage de Maude Champagne, étudiante à la maîtrise en gestion du développement internationale et de l’action humanitaire :

J’ai longtemps cherché un titre à ce court texte, car j’ai vécu au Sénégal plus d’une histoire incroyable pendant mes quatre mois de stage.

J’ai hésité entre : «Sais-tu préparer le ceebu jën ?» (le fameux riz au poisson), LA question posée lors de toutes les premières rencontres et facteur déterminant le niveau d’intégration au Sénégal ; «Naka tàngaay bi ?» (littéralement, comment est la chaleur ?), une question que je croyais d’abord m’être destiné personnellement, pour évaluer mon niveau de résistance à la chaleur. Voyant que les Sénégalais se posaient aussi la question entre eux, à l’instar d’autres formules de salutation, je me suis alors demandé, et je me le demande encore (!), pourquoi tourner ainsi le fer dans la plaie lorsqu’il fait plus de 45 degrés avec l’humidité… Rassurez-vous, on développe une certaine tolérance à cette chaleur humide caractéristique de la saison des pluies lorsque l’on fait la découverte de l’éventail en rônier (aussi efficace, sinon plus, qu’un ventilateur), assis à l’ombre d’un immense baobab. Lorsque la saison sèche s’est installée et que les Sénégalais ont commencé à porter des manteaux qui me semblaient excessivement chauds, je dois avouer m’être amusée à demander à tous mes voisins «Naka seddaay bi ?» (comment est le froid ?). J’aurais aussi pu intituler ce texte : «Jàmm rekk» (la paix seulement), une réponse universelle à toute question de salutation en cas d’incompréhension ! «Ani toubab bi  » (où est l’étranger ?), parce que nous ne sommes plus étrangers lorsque nous nous intégrons dans une famille sénégalaise ; ou encore «Sunugal, naam naa la torop» (Sénégal, j’ai tellement ta nostalgie), un titre qui se passe d’explications...

Me voici quelques jours seulement après mon retour au Québec et mes oreilles bourdonnent encore des cris et des jeux des enfants dans la rue, de la construction dans ce pays dynamique, des muézins appelant à la prière et du son des coqs ne faisant aucune distinction entre 2h et 5h du matin. Ma réflexion concernant le titre m’a fait revivre tous les moments joyeux et privilégiés vécus durant mon stage. Que dire des moments inusités, par exemple lorsque je me suis retrouvée assise coincée parmi quarante villageois dans un bus brinquebalant et dans une chaleur étouffante pour rejoindre un village éloigné. Des moments joyeux, j’en ai vécu autant dans ma nombreuse famille sénégalaise, avec celle que je nomme affectueusement ma yaye-sœur et mes nombreux frères et belles-sœurs, qui devraient en fait être mes oncles et tantes (mais que j’estime trop jeunes pour jouer ces rôles!) que dans mon milieu de stage, dans l’ONG GRAIM, en gestion de projet.

Durant ce stage, où vie professionnelle et personnelle se sont entremêlées harmonieusement, j’ai fait la rencontre de personnes extraordinaires: une famille éblouissante où chacun trouve sa place et se sent respecté et aimé, des collègues dynamiques qui se dévouent à une cause beaucoup plus grande qu’eux, des communautés résilientes, courageuses, fortes et fières, qui cultivent des lopins de terre sous un soleil ardent, à plus de 45 degrés Celsius. C’est d’ailleurs en rencontrant l’une de ces communautés qui inspirent tant le respect, que j’ai véritablement compris le sens de l’expression Inch’Allah.

Ces exemples présentent seulement partiellement les découvertes que ce stage m’a permis de faire chaque jour et qui s’ajoutent aux aventures que j’ai pu vivre en dehors de mon mandat à proprement parler, soit avec les (vingt-cinq) membres de ma famille. Cette dernière illustre d’ailleurs parfaitement ce que signifie la teranga sénégalaise, l’accueil chaleureux. Elle a fait de mon séjour une expérience inoubliable et m’a appris une expression dont le sens m’habite dorénavant profondément: On est ensemble.


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