Chroniques d’un mandat interrompu

Maryse Paquette, stagiaire en gestion de projet au Nicaragua, nous partage ses chroniques de son séjour au Nicaragua et de son retour précipité en raison de la pandémie. Voici les écrits de celle ayant travaillé au sein de l’Association Tierra y Vida à Santa Teresa dans le cadre du Programme de stages internationaux pour les jeunes (PSIJ).

«C’est le 28 novembre que j’ai mis les pieds pour la première fois au Nicaragua, paradis des volcans. Au village de Santa Teresa où je réside, chaque jour m’amène une réflexion nouvelle, une question qui surgit. Pourquoi les gens ne mangent-ils pas ensemble? Pourquoi me fais-je constamment draguer par les hommes dans la rue? Pourquoi y a-t-il autant de fêtes de quartier? Après un mois de décembre haut en couleurs entre les moments d’observation, l’adaptation, les fêtes religieuses et les festivités de Noël et de l’Año Viejo, je prends le rythme nicaraguayen pour m’intégrer à la famille qui m’accueille, à ce pays qui a tout à m’apprendre. L’an 2020 démarrera comme une locomotive.

En janvier, c’est la vraie intégration à l’équipe de l’Association Tierra y Vida qui commence. À travers la phase 1 du projet « Vers des milieux de vie résilients aux changements climatiques » financé par le Programme Québécois de Développement International et développé en collaboration avec Mer et Monde, je suis amenée à participer à l’élaboration d’outils de suivi-évaluation en gestion de projet. L’équipe au complet se mobilise pour mener à terme 50 visites de familles paysannes pour récolter l’information qui nous servira de base au projet. Nous menons aussi des groupes focaux pour comprendre les dynamiques en égalité des genres. Malgré une différence marquée entre le mode efficacité à tout prix des réunions québécoises et le mode familial de celles du Nicaragua, je me dis que je peux bien m’habituer à raconter mes fins de semaine chaque lundi ou bien à exprimer des blagues par ci, par là. Avec tous ces moments comiques qui ont le don d’éterniser les réunions, je me rends compte que chacun et chacune de mes collègues est spécial.e et amène sa saveur à l’environnement de travail, dans lequel je me sens à l’aise et valorisée. Les rires sont quotidiens.

Mon pueblo, qui n’est pas si tranquille, s’est réellement habitué à ma présence. Le harcèlement de rue qui m’avait tant choquée au début s’est presque entièrement dissipé. Les gens saluent désormais la blanche de Teresa, connue de tous à travers les nouvelles partagées par ma famille. Ayant plus de la moitié du stage derrière la cravate, je réalise que non seulement le temps se réchauffe, mais il s’accélère. Mes mois sont comptés, mais mes apprentissages ne se comptent plus.

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Au moment d’écrire ces lignes, je n’avais pas idée de la bombe qui se préparait. Ce texte était destiné à l’infolettre de mars, avant que la situation sanitaire ne s’aggrave partout sur la planète. Voici donc la suite de l’histoire.

Le 13 mars, on nous annonce que la pandémie de COVID-19 oblige à nous rapatrier le plus rapidement possible.

La semaine qui s’en suivra sera garnie d’énormément de stress, d’adieux déchirants, de sentiments partagés et de projets laissés en plan. Chaque jour est un départ possible : chaque jour supplémentaire à Teresa est un cadeau. Mes amies et moi devons naviguer dans l’incertitude la plus totale. Leur présence à travers ce processus est une bénédiction; je n’aurais pu m’imaginer vivre toutes ces angoisses quotidiennes sans leur soutien.

L’appel-massue a lieu le 19 mars, alors que je me prépare à partir pour une longue journée dans une communauté rurale. Nous partirons le lendemain matin. Ces vingt-quatre heures seront une course contre la montre pour faire tous mes adieux. Fin mars; le choc est brutal. Les joies d’un retour ‘normal’ n’existent pas dans un tel contexte. Entre le froid qui me gèle les veines, l’isolation qui devient lourde après des mois à être constamment entourée, et bien sûr les restrictions totales de contact avec des gens qui m’ont manqué et qui me manquent toujours, le confinement rend le retour très pénible.

En avril, la poussière commence tranquillement à retomber, autant pour moi que pour Mer et Monde, qui annonce qu’un mois de travail à distance peut être possible pour terminer les objectifs de mon mandat. Je prends alors mon plan de travail et identifie ce que je pourrais terminer à distance. Avec Internet, tout est possible… Je renoue avec mes collègues de travail par Zoom et WhatsApp et m’installe pour un mois de travail sur les tâches que j’avais commencées et que j’avais à regret laissées en plan. Malheureusement, la communication est plutôt difficile alors que la culture nicaraguayenne est axée sur la communication indirecte et en personne. Il faut faire preuve de beaucoup d’autonomie, mais surtout d’initiative.

C’est une fin impromptue qui m’aura mise à l’épreuve sur tous les plans, mais qui m’aura construit une forte résilience. Une fin qui m’aura laissée sur ma faim, mais qui me confirme que nos veremos pronto, Nicaragua. »

Maryse Paquette - Stagiaire PSIJ rapatriée en raison de la COVID-19


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